Il existe différents langages pour signifier les mêmes choses.
Le problème de la vision moderne réductionniste, c’est qu’elle empêche de voir la vision globale.
On ne peut comprendre le tout en analysant ses parties séparées.
Pourquoi ?
Parce qu’il est plus que la somme de ses parties.
D’où m’importance de prendre du recul, et de considérer la totalité.
Après les Lumières
Je me suis pendant longtemps intéressé à la dichotomie matérialiste/idéaliste, pour finalement me rendre compte d’une chose : que la valeur d’un paradigme dépend de son utilité pratique.
On peut retracer jusqu’à l’antiquité grecque deux visions philosophiques qui s’opposent :
- Celle matérialiste qui dit que tout est physique, et que l’esprit est un épiphénomène de la matière.
- Et celle idéaliste qui dit l’inverse : que tout est esprit, et que la matière est un épiphénomène de la pensée.
De ces deux grandes conceptions découlent une infinité de courants différents qui ont toutes leurs nuances particulières.
Pourquoi c’est une question importante de savoir la nature fondamentale de l’univers ?
Parce que nos préconceptions sur celle-ci vont définir comment nous percevons le monde.
Le paradigme matérialiste est positif pour tout un tas de raisons (principalement l’innovation technologique), mais son majeur problème, c’est qu’il nous laisse avec un certain sentiment d’impuissance face au déterminisme de sa vision.
L’être humain a besoin de contrôle, et de sens, pour survivre psychologiquement.
L’impression d’être à la merci des circonstances produit un cocktail d’hormones de stress, qui à terme, empoisonne l’organisme.
À l’inverse, la sensation de contrôle produit un sentiment de puissance, et de domination.
L’organisme devient alors envahi d’hormones qui le poussent à aller de l’avant, à avoir confiance en soi, et qui le gardent en bonne santé.
L’exemple le plus frappant qui montre à quel point l’impression de contrôle est importante nous vient de documents déclassifiés, de programmes utilisés par l’armée américaine pour entraîner ses soldats à survivre à la captivité et la torture.
Il a été découvert que l’un des facteurs le plus important, pour résister à ce type de situation extrême, est justement la sensation de contrôle.
Sexualité, religion, et volonté de puissance
Le thème de la volonté de puissance, et de contrôle, est un sujet récurrent en philosophie.
Sa formulation moderne trouve ses origines chez Schopenhauer, et on doit à Nietzsche sa consolidation.
Ces derniers vont profondément influencer la pensée des décennies suivantes… et nombre de leurs concepts seront développés par leurs disciples spirituels.
L’essence de la théorie, c’est de dire que l’instinct fondamental qui anime l’homme est le pouvoir… et que toutes ses actions, et ses désirs, peuvent se retracer à cette pulsion primordiale.
La sexualité, par exemple, n’en est qu’en effet secondaire (puisque c’est par elle que vous reproduisez votre ADN, et que vous colonisez l’environnement).
La culture et la religion aussi s’inscrivent dans cette volonté de puissance, puisqu’elles servent à nier la fatalité de la mort, et le nihilisme inhérent à l’existence.
Marx, dans cette ligne de pensée, dira que « la religion est l’opium du peuple ».
Freud aussi ira dans cette direction, en disant qu’elle sert à se protéger contre des forces naturelles terrifiantes (mais dans ce cas, pourquoi alors inventer le diable et l’enfer ?).
Plus tard, Ernest Becker consacrera son œuvre majeur The Denial of Death, à cette question, en utilisant des arguments similaires.
Foucault et Sartres aussi se pencheront sur ces thèmes…
Et dernière en date, la « terror management theory » expose que la peur de la mort produit une terrible angoisse, et que la culture n’est qu’une rationalisation, une fuite de l’inévitable…
La religion dans ce contexte n’est qu’un mécanisme de défense face à cette terreur existentielle.
Ce n’est finalement qu’un artifice qui donne l’illusion de garder un certain contrôle.
(L’autre théorie, développé plus bas, dit qu’elle est plutôt une expression de l’inconscient collectif.)
Des illusions confortables
Pour en revenir à la philosophie idéaliste (celle qui dit grossièrement que l’univers n’existe que dans votre tête), les partisans de la « terror management theory » diraient sûrement qu’elle s’inscrit aussi dans cette dynamique de déni.
Un monde qui est totalement mental, et qui n’existe que dans votre esprit, semble beaucoup plus contrôlable qu’un univers matérialiste, et déterministe, qu’on ne peut influencer.
L’esprit est sûrement la chose la plus intime que nous possédons, alors que le monde et ses forces impersonnelles nous est profondément étranger.
Plus nous admettons nos limitations, et plus nous acceptons le monde « tel qu’il est », indépendamment de « comment nous voudrions qu’il soit »… plus nous semblons avoir de contrôle sur le monde physique, grâce à la technologie (chose ironiquement paradoxale).
Le pouvoir de la science, c’est justement d’éviter les jugements de valeur, et de laisser toute subjectivité en dehors de l’équation.
Du moins, c’est l’idéal vers lequel elle tend.
Mais en réalité, la pure objectivité est impossible, parce qu’elle nécessiterait de totalement supprimer l’esprit qui perçoit l’information, et qui lui donne sens.
La science ne peut s’extirper totalement des jugements de valeur, parce que pour entreprendre quelque chose, elle doit la juger subjectivement comme désirable.
Implicitement, elle admet aussi que la recherche de la vérité est une finalité digne d’investigation (ce qui est aussi un jugement de valeur).
Pire encore, on peut dire qu’une telle quête de sens est en réalité indissociable de la finalité religieuse.
« Vous connaîtrez la vérité, et la vérité vous rendra libres. »
— Jean 8 : 32
Nuances et paradoxes
Il existe toujours deux faces à un argument (minimum).
Nous aimons la simplicité, et nous voulons tout diviser en noir ou blanc, en bon ou mauvais…
Mais la vérité se trouve le plus souvent dans la nuance, et le juste milieu.
Il en est de même pour cet éternel débat qui oppose matérialistes et idéalistes.
C’est difficile de conceptualiser quelque chose qui pourrait être vrai et faux à la fois.
Le juste milieu est paradoxal, et les extrêmes se touchent.
« Tout est Double ; toute chose possède des pôles ; tout a deux extrêmes ; semblable et dissemblable ont la même signification ; les pôles opposés ont une nature identique mais des degrés différents ; les extrêmes se touchent ; toutes les vérités ne sont que des demi-vérités ; tous les paradoxes peuvent être conciliés. »
L’énergie nait de la tension qui existe entre deux opposés.
Le bien ne peut exister sans le mal.
La lumière ne peut se percevoir sans l’obscurité.
L’excès de vertu est un vice.
Tout mouvement produit un contre-balancier aussi fort que l’impulsion première, pour finir à l’antipode exact de sa position initiale.
Poussez trop d’un côté, et vous vous retrouvez de l’autre.
L’exemple le plus frappant est celui de la politique.
L’extrême gauche ne se rend pas compte qu’elle renforce l’extrême droite (et vice versa).
Plus on pousse un agenda woke et progressiste, plus on renforce les tendances conservatrices.
Dans le passé, le balancier était de l’autre côté : les mouvances fascistes et totalitaires ont stimulé le désir de liberté et d’égalité.
Ce désir ayant atteint son extrême (sûrement dans les années 70), il a fini par se dégrader en son inverse.
La liberté individuelle est devenu une tyrannie sur la collectivité, et l’égalité s’est transformée en la dictature des minorités.
« Les extrêmes se touchent… »
Quand on fait le tour d’une sphère, on finit à son point de départ.
L’antisémitisme offre l’exemple parfait : originellement, il était principalement d’extrême droite, aujourd’hui, il est principalement d’extrême gauche.
C’est de cette façon que l’humanité semble progresser : elle oscille entre deux pôles opposés, pour finalement se stabiliser dans des ordres de cohérence supérieurs.
La grande polarité
Ce balancier se retrouve dans l’histoire des idées, qui semblent vaciller d’un extrême à l’autre.
Aux époques idéalistes se succèdent celles matérialistes, et inversement.
Les tendances rationnelles alternent avec celles irrationnelles.
Cette dichotomie reflète également les tendances archétypales qui existent entre le masculin et le féminin.
Carl G. Jung pensait qu’il existait des images primordiales qui vivaient dans l’inconscient collectif, et dans l’arrière-plan psychique des individus.
Leurs dynamiques sont dépeintes dans l’art, la mythologie, le symbolisme religieux, et les rêves.
L’image du père est associé à l’esprit.
L’image de la mère est associé à la matière.
Les tendances idéalistes, et matérialistes pourraient donc s’expliquer par la prévalence d’un archétype sur l’autre.
Cette thèse est cohérente avec l’avis d’un sociologue nommé Gordon Rattray Taylor, qui pensait aussi que les cultures alternaient entre des périodes à prévalence matriarcales et patriarcales.
Quand on commence à évoquer les archétypes de l’inconscient collectif, on ouvre littéralement une boîte de Pandore, et un réservoir infini de signification.
Carl G. Jung, même après avoir écrit plus d’une dizaine de livres qui essayent de cerner le sujet, n’a pas réussi à en donner une vision limpide.
C’est en grande partie parce que ces images primordiales sont de nature paradoxale, mystérieuses, insondables, et justement inconscientes.
Ce n’est pas à dessein qu’il est cryptique dans ses écrits… c’est juste que trouver les mots pour exprimer l’ineffable est presque impossible.
L’image de la mère, et du père, sont les plus fondamentales, parce qu’elles sont les premiers archétypes que tout être vivant rencontre.
Aucun animal n’existe sans mère et sans père.
Même au niveau atomique, l’énergie nait de la tension entre un pôle positif, et un pôle négatif.
Et pareillement, les anciennes philosophies pensaient que l’univers était constitué de deux éléments fondamentaux : de substance et d’esprit, de Ying et de Yang, de matière et de forme, d’ordre et de chaos…
La science moderne dirait plutôt « de matière et d’énergie » (même si a un certain stade quantique, les deux fusionnent pour former la notion de champ).
L’éternel conflit
Les mythologies racontent que l’Être primordial s’est donc d’abord divisé en deux parties : mâles et femelle.
En réalité, souvent l’archétype féminin vient en premier.
Pourquoi ?
Parce que c’est la femme qui donne naissance.
Elle est associée à la nature, et à la matière, parce qu’elle crée littéralement dans son ventre des formes vivantes.
Elle est la Terre qui cache les germes de la vie dans l’obscurité de son sein.
Elle est les Eaux primordiales qui existaient au commencement, au-dessus duquel planait l’esprit de Dieu.
Matière, mère, mother, matter ont littéralement la même racine étymologique.
On peut la conceptualiser aussi comme la matrice (toujours la même racine) de l’existence.
Le premier grand combat cosmique oppose la Mère nature au Père culture.
Pourquoi le Père est associé à la culture et à l’esprit ?
Les animaux sociaux s’organisent en hiérarchies sociales depuis au moins 500 millions d’années.
Cette hiérarchie est invisible (comme l’esprit), et impose un ordre sur les dynamiques interpersonnelles.
Cette structure en arborescence régit la distribution du pouvoir au sein des populations, mais aussi une foule de lois naturelles (comme la distribution des branches d’un arbre, par exemple).
L’ordre sociétal est dit, à juste titre, patriarcal.
Il s’oppose à la nature, et structure ses forces chaotiques.
Il est aérien parce qu’invisible, nulle part, et partout à la fois.
Il est le Feu qui anime la vie, et qui la pousse au désir.
Il est l’œil au sommet de la pyramide qui juge, condamne ou récompense.
La nature sans esprit est morte.
Et inversement, l’esprit a besoin de la nature pour pouvoir s’incarner et s’exprimer. Les deux sont en conflit, et pourtant paradoxalement interdépendants.
“Nature unaided always fails.”
“Art perfects what Nature began.”
Une métaphore énergétique
Masculin et féminin s’attirent et se complètent.
Quand l’un prend trop l’ascendant sur l’autre, l’équilibre est rompu, et l’ordre cosmique est menacé.
Le patriarcat a tendance à dégénérer en tyrannie et en autoritarisme.
Alors que le matriarcat dégénère plutôt en chaos et en altruisme suicidaire.
Les deux sexes ont des pathologies propres à leur caractère.
Mais ces dynamiques ne sont pas que sociales, sociétales ou interpersonnelles.
Elles sont aussi énergétiques, chimiques, et cosmiques.
Même la matière que nous considérons comme « morte » est animée par un certain « esprit ».
Les éléments du tableau périodique ont tous des affinités et des répulsions.
Ils sont attirés par certains composants et en fuient d’autres.
En ce sens, ils manifestent une forme de volonté propre.
Quand les modernes parlent d’« esprit », la plupart du temps, ils confondent ce concept avec la notion de rationalité.
La conscience humaine est une forme avancée de cognition, certes, mais ce n’est pas la seule forme existante.
Même des êtres aussi simples qu’une cellule aussi ont aussi une certaine capacité de cognition.
Et même à cette échelle, il semble de plus en plus clair, vu l’état de la recherche, que la « pensée » est un phénomène qui a quelque chose à voir avec l’électricité.
Les dynamiques électriques semblent mouvoir la matière subatomique de l’infiniment petit, jusqu’à l’échelle humaine (et même jusqu’à l’infiniment grand si l’on en croit certaines théories controversées).
Nos modèles de la physique sont incomplets, notamment parce qu’on ne peut unifier les théories qui régissent l’infiniment petit, et l’infiniment grand… et deuxièmement parce que la gravité demeure un mystère qui contredit tout ce qu’on sait à propos de l’énergie (notamment par le fait qu’elle agît plus rapidement que la vitesse de la lumière ; qu’elle ne se dégrade pas dans le temps ; qu’elle n’a pas besoin de medium pour se transmettre ; qu’elle ne subit pas l’interférence d’autre forces…).
Certains modèles (souvent appelés « Electric Universe Theory ») proposent de résoudre ce problème en théorisant que la gravité (force aussi agissante dans l’atome) est en réalité un phénomène électrique.
Ce qu’on appelle les quatre forces fondamentales de la physique classique (la gravitation, l’électromagnétisme, la force nucléaire faible et forte) ne seraient donc que des épiphénomènes électriques.
Il n’existe en réalité qu’une seule énergie qui se décline pour former les éléments du tableau périodique, les couleurs du spectre électromagnétique, la température et la pression de l’atmosphère, ect.
Tout est énergie et oscille à une certaine fréquence.
Nous appelons cette énergie « électricité ». Mais les anciens la connaissaient sous différentes dénominations.
Une de ces dénominations était le mot « esprit ».
Conclusion
L’idéalisme met l’accent sur l’esprit.
Le matérialisme met l’accent sur la matière.
Les deux sont nécessaires, même si à un certain niveau d’abstraction, les deux fusionnent pour ne faire qu’un.
Mais à son extrême, le matérialisme tombe dans des absurdités, jusqu’au point de presque ignorer l’existence de l’esprit.
Ses partisans affirment que la conscience est créée par la matière… que l’esprit est une production artificielle du système nerveux.
Pourtant nous n’avons aucune idée d’où se situe la conscience dans le cerveau, ni comment votre corps sait quelle forme il doit prendre pendant son développement morphogénétique.
Tout ne peut pas s’expliquer de façon mécanique.
Comment une cellule souche sait en quoi elle doit se différencier ?
Encore une fois, cela semble être une question de pulsion électrique qui signale en quoi elle doit se spécialiser.
Mais d’où vient cette information ?
C’est un mystère. Mais la réponse pourrait se trouver dans les notions de champs, et de résonnances.
« Raisonner », c’est entrer en « résonnance » avec certaines idées.
C’est aussi la thèse de Rupert Sheldrake concernant la création des corps.
Les formes sont créées grâce à un phénomène qu’il appelle la « résonnance morphique », qui fournit l’information via des « champs morphogénétiques ».
Ces champs dictent l’agencement de la matière… qu’elle soit subatomique, chimique, ou organique.
Ces théories étaient encore très controversées il y a quelques années, mais elles semblent devenir de plus en plus mainstream.
La décentralisation de la science porte de violents coups aux dogmes matérialistes, et les petits tyrans plus intéressés par le pouvoir, et l’autorité, que par la vérité, ne pourront pas régner éternellement.
— Geoffroy





