Toujours pas abonné ?

Recevoir directement les derniers articles

Le dilemme du créatif (survivre grâce à son art)

Tous les artistes qui refusent d’apprendre à vendre meurent de faim.

Est-ce que c’est possible de vivre uniquement de sa passion ?

Ou bien faut-il faire des sacrifices ?

Le secret réside-t-il dans le fait de conjuguer ce qu’on aime, avec ce dont le monde a besoin ?

Ou au contraire, est-ce que les deux s’excluent mutuellement ?

Art et design

Si Carl Gustav Jung n’est pas mon auteur favori, il doit se trouver dans le top 5.

Le problème, c’est que ses écrits sont parfois tellement complexes, que l’effort de décryptage est presque un emploi à temps plein.

Si j’étais totalement affranchi des contraintes économiques, je passerais sûrement l’entièreté de mon temps à poursuivre mes passions, et à étudier en profondeur le travail de savants comme Jung.

Mais je n’ai pas encore trouvé le moyen de vivre correctement de mes centres d’intérêts.

La corruption des milieux académiques me donne envie de vomir, et mes passions sont trop obscures pour pouvoir intéresser une large audience (et ainsi être monétisées).

En écrivant uniquement sur des sujets qui font de l’audience, j’ai l’impression de perdre mon authenticité, et de vendre mon âme au diable.

Il existe un problème chez les artistes, et les créatifs en général.

Ce problème, c’est que l’art, pour rester art, doit être produit de façon désintéressée.

L’œuvre est quelque chose qui se révèle à mesure qu’elle est produite.

Elle est une tentative d’articulation de l’ineffable.

Son but est transcendant.

Si une œuvre est créée avec un but précis avant sa conception, alors ce n’est plus de l’art.

C’est de la propagande.

C’est du prosélytisme.

Avant l’ère industrielle, l’art avait une fonction religieuse, qui faisait partie du processus de révélation.

Ensuite, il s’est dégradé pour servir des fonctions politiques, militantes et commerciales.

C’est la grande différence qu’il existe entre l’art et le design.

Le design sert une fonction précise, pragmatique, et fonctionnelle.

Alors que la finalité de l’art est transcendantale. Elle existe pour elle-même indépendamment de toute perspective utilitariste.

Trouver le temps

Ceci signifie que si vous créez dans le but de gagner de l’argent, de construire une audience, ou d’influencer l’opinion… alors vous ne faites plus de l’art.

Votre œuvre devient corrompue.

Quelle est le rapport avec Carl G. Jung ?

Eh bien comme je l’expliquais dans l’article précédent (en le citant), tout progrès culturel provient de la réalisation d’individus qui osent être eux-mêmes, avec un total désintéressement.

Ils ne cherchent ni à être riches et célèbres, ni à avoir de la reconnaissance pour leur travail.

Ils cherchent avant tout à exprimer ce qui est vrai, beau et juste.

Peu importe qu’ils soient lynchés ou acclamés pour leurs œuvres.

La finalité de ce qu’ils accomplissent est dans ces valeurs transcendantales, et non dans la richesse, le pouvoir, le plaisir ou le statut social.

S’ils gagnent en honneurs, ou économiquement, c’est simplement par effet secondaire. Mais ce n’est jamais la fin en soi.

Vous ne pouvez donc pas dépendre de votre art pour vivre.

Tous les artistes purs qui ne sont pas sponsorisés meurent de faim.

Dans le temps, pour avoir le luxe d’être philosophe, savant, créatif ou inventeur… vous deviez faire partie de l’aristocratie, qui n’avait pas à travailler pour vivre. (Ou bien vous deviez trouver un mécène.)

Aujourd’hui, vous avez de la chance, parce que comparativement à l’histoire de l’humanité, vous avez énormément de temps libre.

Vous pouvez travailler, et à la fois suivre vos passions.

Si chaque minute de votre existence éveillée n’est pas consacrée à votre survie biologique et à votre sécurité, alors considérez-vous heureux.

Le temps libre, et le divertissement sont des luxes modernes.

L’homme de tout temps se tue littéralement au travail.

Même en faisant 50 heures par semaines, et en dormant 8h par nuit… il vous reste 62 heures par semaine à utiliser de façon créative.

Tout le monde est capable de consacrer au moins une heure par jour à la réalisation de son idéal.

Mais ce sont toujours ceux qui passent 4 heures par jour sur les réseaux sociaux qui vous diront qu’ils n’ont pas le temps.

Équilibrer ses besoins

Éliphas Lévi, le célèbre occultiste, disait qu’être mystique ou magicien n’était pas un métier, et que le philosophe devait avoir une profession indépendante.

Il dit également que plus vous êtes doux, plus votre colère sera puissante.

Que plus vous êtes indifférent, plus il est simple de se faire aimer.

« Les passions humaines produisent fatalement, lorsqu’elles ne sont pas dirigées, les effets contraires à leur désir effréné.

L’amour excessif produit l’antipathie ; la haine aveugle s’annule et se punit elle-même ; la vanité conduit à l’abaissement et aux plus cruelles humiliations. »

Les forces psychiques et élémentaires doivent être balancées.

L’aspect créatif, artistique et mystique de votre personnalité doit être équilibré par l’aspect pragmatique, discipliné, et rigoureux.

Celui qui se perd dans la métaphysique est à deux doigts de la folie.

Alors que celui trop psychorigide se fige dans un matérialisme nihiliste.

Voici pourquoi science et religions ne sont pas opposées, et au contraire, doivent se compléter.

Trop de gens cherchent dans la spiritualité un moyen de fuir les conditions matérielles, leurs contraintes, et la souffrance qui leur est associée.

Mais comme un chêne centenaire, plus ses racines s’enfoncent profondément dans la matérialité de la terre, plus ses branches peuvent s’élever haut dans la spiritualité du ciel.

Favorisez l’un aux dépens de l’autre, et l’équilibre se brise.

C’est alors l’ensemble de l’intégrité du système qui est menacé.

Concrètement, cela signifie qu’avant de vouloir se perdre dans des mondes d’abstractions, il faut d’abord s’ancrer dans la matérialité.

Abraham Maslow l’avait articulé en dressant une pyramide des besoins.

Pyramide de Maslow augmenté

Avant de se réaliser, et de poursuivre ses passions, il faut d’abord pouvoir subvenir à ses besoins primaires.

Sans cette base, le reste s’écroule.

Apporter de la valeur

Quand on devient adulte, on doit passer par une réalisation difficile : on ne vous aimera pas pour qui vous êtes… on vous aimera pour ce que vous pouvez apporter.

Si vous n’apportez aucune valeur à votre employeur, il vous licenciera.

Si vous n’apportez aucune valeur à une relation, on vous quittera.

Vous êtes constamment jugé par votre performance, et votre contribution.

Et la valeur de ce que vous apportez n’est pas déterminée par vous-même, mais par le marché.

La compétition est rude à cause de la loi de l’offre et de la demande.

Personne ne veut ce qui est abondant, et tout le monde veut ce qui est rare.

Pour apporter de la valeur, il faut comprendre ce que les gens veulent.

Il faut se rendre utile, parce qu’ils vous voient comme des outils (même vous et eux refuseront de l’admettre).

Vous montez dans l’estime des gens à partir du moment où vous les aidez à accomplir leurs objectifs.

Et si on reprend la pyramide de Maslow, la plupart sont bloqués à sa base.

Ils cherchent avant tout à survivre économiquement.

C’est pour cette raison que les contenus prosaïques fonctionnent mieux.

Ceux qui se lancent sont souvent déçus de voir que les sujets qui les tiennent à cœur performent mal, par rapport à des platitudes que tout le monde semble répéter.

Et c’est aussi pour cette raison que les réseaux sociaux pullulent d’influenceurs qui prétendent pourvoir vous rendre riche en 30 jours sans expérience grâce à leur formation miracle.

Déterminer la valeur

C’est assez instinctif de juger de la qualité d’un contenu en fonction de son nombre de vues.

En tant que primates domestiqués, si d’autres primates s’intéressent à quelque chose, c’est que c’est forcément bien.

La preuve sociale est un élément puissant de persuasion, mais c’est aussi un argument logique fallacieux.

Par exemple, c’est assez difficile de trouver un cours de physique quantique qui dépasse le million de vues.

Alors que des vidéos de chats ridicules le dépassent régulièrement.

Est-ce que le divertissement a plus de valeur que l’éducatif ?

Ça dépend de vos critères. (Si une vidéo fait plus de vues, c’est qu’elle rapporte plus de revenus publicitaires.)

Mais la seule raison pour laquelle on valorise des divertissements si puérils, c’est parce qu’ils exploitent les failles du système dopaminergique.

Un TikTok abrutissant est valorisé pour la même raison qu’un toxicomane valorise son rail de coke.

À terme, les deux détruisent votre cerveau… et à grande échelle finissent par détruire les sociétés.

(C’est d’ailleurs pour cette raison que les ennemies des démocraties occidentales ont un intérêt à importer ces poisons divers et variés.)

Si on ne peut juger de la valeur d’un contenu simplement par sa viralité, sur quels critères se baser ?

En suivant les théories de l’information, celles de la perception, et celles économiques, sur quatre éléments :

  1. La valeur informationnelle
  2. La valeur économique
  3. La valeur perçue
  4. La valeur néguentropique

1.      La valeur informationnelle

Claude Shannon, un des fondateurs des théories de l’information, a défini que la valeur d’un message correspondait à la probabilité négative de pouvoir prédire son contenu.

Simplement dit : vous n’apprenez rien lorsque l’on vous répète ce que vous savez déjà.

Pour avoir une haute valeur informationnelle, le contenu du message doit être nouveau, original et imprévisible.

Répéter ce que tout le monde fait, et ce que tout le monde dit, n’a que très peu d’utilité.

2.     La valeur économique

Cette dernière suit naturellement la loi de l’offre et de la demande.

Comme pour les produits et les services, les messages sont aussi des offres de consommation.

Mais leurs valeurs n’est pas déterminée par le prix, et le nombre d’acheteurs… elles sont déterminées par leur capacité à capter, et à retenir l’attention.

Attention, qui, dans l’économie de l’information, est ensuite vendue à des annonceurs, et redirigée vers des offres.

La valeur économique d’un message est donc directement liée à sa viralité.

3.     La valeur perçue

La valeur perçue ne désigne pas la valeur neutre, objective et mesurable par l’activité du marché de l’attention.

Elle désigne plutôt la valeur subjective appréhendée par le consommateur.

Comme ce dernier juge de la valeur d’un message ?

En fonction de la taille du problème qu’il résout, et avec quel facilité.

Plus le message offre une solution rapide, facile, et sûr ; et plus la situation à résoudre est difficile, plus l’information est valorisée.

Equation valeur

(Équation inspirée d’Alex Hormozi, et de son livre 100$ Offer.)

4.     La valeur néguentropique

La valeur entropique correspond au degré de cohérence et d’harmonie d’un système.

Plus il est organisé, plus il est vivant, et plus son entropie est basse… Plus il est chaotique, plus il semble mort, et plus son entropie est haute.

Si vous appréciez une œuvre d’art, par exemple, c’est parce que sa valeur néguentropique se ressent subjectivement comme un sentiment esthétique.

Pareillement pour une machine, ou un organisme… si elles fonctionnent correctement, c’est grâce à leur haut degré de cohérence et d’organisation, et leur bas degré d’entropie.

Au niveau informationnel, plus un message est cohérent, harmonieux, esthétique, organisé, et ingénieux… plus il a de valeur néguentropique.

Le travail mécanique et le travail cognitif

Idéalement, si vous voulez créer du contenu, des messages, et des offres performantes… ces quatre valeurs doivent être élevées.

Bien entendu, ce ne sont pas des catégories strictes, et elles débordent les unes sur les autres.

Des données disposées au hasard, ce n’est pas de l’information, c’est du chaos (entropie).

La valeur néguentropique est donc liée à la valeur informationnelle… tout comme la valeur économique est liée à la valeur perçue.

Les quatre s’enchevêtrent les unes dans les autres.

Ce qui les réunit, c’est l’ingéniosité, la créativité et l’intelligence.

Votre force n’est pas dans la puissance mécanique de vos muscles.

Elle est dans votre matière grise.

Voici un ordre de grandeur pour vous faire vous rendre compte à quel point votre labeur physique est devenu obsolète :

Si vous pédalez une heure sur un vélo relié à une dynamo, vous pourriez générer environ 10 watts.

Un litre d’essence, pourrait pendant la même période produire 10000 watts, soit 1000 fois plus.

Basé sur le prix d’un litre d’essence à 2€… si vous étiez rémunéré pour générer de l’électricité en pédalant, vous seriez payé moins d’un centime de l’heure !

Votre atout n’est donc pas physique ou mécanique… il est plutôt dans la façon dont vous utilisez vos ressources cognitives, et dans votre créativité.

Conclusion

C’est un désenchantement assez brutal de se rendre compte que de suivre uniquement votre passion, n’est pas forcément ce qui vous nourrira.

« If you have artistic inclinations and fear that the search for wealth will coarsen such talents or degrade them, you will never get rich.

(Because your fear, in this instance, is well justified.) »

— Felix Dennis – How to Get Rich

[Traduction : Si vous avez des inclinations artistiques et que vous craignez que la quête de richesse n’avilisse ou ne dégrade ces talents, vous ne deviendrez jamais riche. (Car, dans ce cas, votre peur est bien fondée.)]

Créer des offres que les gens veulent acheter est incroyablement difficile.

Construire une audience l’est tout autant.

Il y a énormément de concurrence, et ce que vous allez proposer existe sûrement déjà en mieux, moins cher.

Ajoutez à cela la difficulté du fait d’entreprendre dans un pays socialiste.

(Quand plus de 50% de votre chiffre d’affaires est taxé et redistribué, eh bien vous devez être deux fois plus performant qu’un pays totalement libéral, pour tirer les mêmes bénéfices.)

Cela fait plusieurs années que j’ai entamé mon aventure entrepreneuriale… et passé la phase d’optimisme naïf, vient la phase de réalisme et de désenchantement.

Il n’y a qu’en se plantant qu’on apprend réellement.

Et on ne mature qu’en remplaçant ses attentes irraisonnables.

Mais tant que l’on n’abandonne pas… on ne peut échouer.

— Geoffroy

Photo de profil Geoffroy
Qui est Geoffroy Stec ?

Je suis designer et éditeur depuis 2018. J’aide les créatifs à monétiser leurs passions, et à construire des systèmes de rémunérations durables.


Ressources

Version brochée

Votre esprit a été hijacké…
Voici comment en reprendre le contrôle :

Commander maintenant

Version reliée

Penser par soi-même – S’immuniser à la propagande – Créer sa propre réalité

Commander maintenant

PROCESSUS DE CRÉATION ET D’INTERPRÉTATION DE LA RÉALITÉ

Comprenez les différents paradigmes et les révolutions scientifiques. Épistémologie et science.

Commander maintenant


Version Audio

Une nouvelle façon de penser, et d’être, qui transcende le dogme, et la décadence

Écouter maintenant