Les principes de logique encore acceptés aujourd’hui remontent à l’antiquité.
Certaines erreurs peuvent se transmettre sur des millénaires (à cause de l’intégrisme, qui refuse de faire évoluer la doctrine).
N’est-ce pas étrange qu’avec la technologie, tout semble devenir obsolète en quelques années… alors que les idées peuvent rester les mêmes pendant une éternité ?
Le problème c’est que cela perpétue des mentalités moyenâgeuses.
Et si nos idoles du passé avaient torts ?
D’un extrême à l’autre
Il semble exister des cycles en philosophie, où certaines doctrines réapparaissent périodiquement, en alternant entre des périodes de déconstruction, et de génération.
Des périodes de doute, et de remise en question, où on croit ne rien pouvoir savoir, et des périodes où l’on croit pouvoir tout savoir.
Cette séparation, on la voit entre les sophistes, et l’idéalisme platonicien.
Entre le nihilisme, et l’existentialisme.
Entre l’existentialisme, et le post-modernisme.
Entre le post-modernisme, et le traditionalisme radical.
Tout oscille à une fréquence qui alterne entre deux pôles opposés (qui sont l’électricité et le magnétisme).
Il existe une force de contraction, et une force d’expansion (tout respire).
La nature est cyclique, que ce soit au niveau astronomique, ou atomique.
Le tableau des éléments est dit périodique.
Le cosmos est une musique.
Ces cycles existent aussi dans l’histoire des idées.
Et quand on connait la nature oscillatoire du pendule, on sait qu’un extrême mène à l’autre.
Modernité et tradition
Il existe deux grandes écoles :
- Ceux qui pensent qu’il existe une science que l’on a perdue jadis, et que plus on s’éloigne dans le temps de celle-ci, plus on régresse.
- Ceux qui pensent que la science est le fruit d’un progrès constant, et de l’amélioration par itération dans le temps.
Une traditionaliste, et une progressive.
Les deux ont des arguments valables.
La première parce que l’archéologie montre, à travers son architecture, sa littérature, et son art, qu’il existait des civilisations très développées, y compris technologiquement.
(Et qu’il a existé des périodes de régression.)
La seconde parce que nous expérimentons quotidiennement le miracle de la technologie, qui se renouvelle chaque année.
(Et que le monde, il y a un siècle, ne ressemblait en rien à celui d’aujourd’hui.)
Certains objectivistes, comme Leonard Peikoff, pensent que ce culte de l’ancien est pathologique, parce qu’il est imbibé de mysticisme.
Quel est le problème avec le mysticisme ?
C’est, qu’épistémologiquement, il tire sa connaissance non de la rationalité, mais du sentiment et de l’intuition. (Il contiendrait en lui les germes du totalitarisme.)
Par exemple, chez Platon le savoir est quelque chose d’innée.
Pour lui, votre âme sait déjà tout, et apprendre consiste à se rappeler de ce qui est tombé dans l’inconscient.
On est encore loin de la méthode scientifique qui fonctionne plutôt par l’empirisme, l’expérience, et l’objectivité.
Mais ces dogmes auront (et continuent d’avoir) une énorme influence sur la pensée occidentale (et même au-delà).
L’héritage de la pensée
Le langage s’apprend par imitation.
Personne n’invente rien.
On ne fait que recycler des idées qui existent déjà dans la culture (ou l’idéosphère).
L’histoire de la philosophie n’est qu’une reformulation, ou un commentaire, de concepts antiques.
Le dualisme qui oppose matérialisme et idéalisme prend des formes différentes en fonction des époques.
Voir au-delà de son filtre de perception, et de croyances, est quelque chose qui demande des efforts.
C’est difficile à croire, mais la façon dont on pense (et ce qu’on appelle le bon sens commun), est déterminée par les morts.
La logique repose sur des concepts aristotéliciens.
Et même s’ils ont été remis en question, d’abord par Kant, puis par la sémantique générale, et l’interprétation de Copenhague, on continue à les chérir comme des dogmes.
Pareil pour le mysticisme, qu’on peut retracer jusqu’à Platon (ou même Pythagore).
Les personnes avec une sensibilité spirituelle sont platoniciennes sans vraiment le savoir.
Enfin bref, sans se perdre dans les détails et la complexité, tout ceci est pour dire que les idées que vous entretenez ne sont pas vraiment les vôtres.
Elles sont héritées de systèmes de pensées que la plupart ignorent.
La dégradation des mystères
L’intérêt donc d’étudier l’histoire des idées, c’est d’éclairer des façons de penser inconscientes, et de pouvoir les identifier.
La plupart des académiques qui étudient la philosophie oublient tout une part de la littérature : celle des sciences occultes.
Ils lisent en profondeur Platon et Aristote, mais survolent rapidement Pythagore, et les écoles des mystères de l’antiquité (qu’ils résument souvent à des cultes de débauche).
(En réalité, ces sujets sont très complexes, parce qu’il ne nous reste que des fragments d’histoire et de textes, et parce que le paradigme dans lequel ils s’inscrivent sont très différents du nôtre.)
Les anciens Grecs croyait à l’Atlantide.
Ils pensaient être les héritiers d’une civilisation, et d’une science oubliée et perdue… d’un âge d’or parfait, balayé par le déluge (toutes les mythologies font mention d’une catastrophe naturelle qui fit table rase de l’humanité).
Comme l’explique le prophète Daniel, en décryptant le rêve de Nabuchodonosor, à chaque effondrement d’empire, les mystères de l’ancien monde sont devenus de plus en plus opaques.
(J’explique ceci plus en détail dans un article précédent.)
Quand on interprète Aristote ou Socrate, on le fait par une chaîne d’intermédiaires, où chaque maillon risque d’y introduire ses biais, et ses préconceptions.
(C’est également vrai pour la plupart des textes sacrés.)
Déjà là, beaucoup de sens se perd dans les traductions, les réécritures, et les réinterprétations.
Mais la chose est encore pire, quand on sait que les Grecs eux-mêmes, avaient ce même problème à leur époque, avec les civilisations dont ils prétendaient descendre (sans compter qu’ils n’avaient pas nos technologies d’information et de communication).
Les tyrans de la pensée
Face à cette complexité, il est très difficile d’avoir des idées fixes.
Cela fait depuis plus de 10 ans que j’étudie passionnément tous ces sujets.
J’ai lu beaucoup d’opinions contradictoires, et j’avoue n’être pas encore arrivé à une conclusion définitive.
J’ai seulement quelques indices, et quelques pièces du puzzle, qui m’obligent à rester agnostique, mais ouvert aux possibilités.
Une chose que j’ai apprise de la philosophie, et de la psychologie moderne, c’est que la perception est un acte créatif.
L’essence des choses est inconnaissable, puisqu’on ne voit que ses propres préconceptions.
Le langage impose une matrice sémantique sur le monde.
La réalité est créée par le système nerveux.
La révolution épistémologique moderne n’est pas d’avoir trouvé la vérité.
Elle est de dire que celui qui croit détenir la vérité est un fanatique, victime d’un dogme imposé par la culture, et de ses biais cognitifs.
Vous êtes dans l’erreur à partir du moment où vous croyez savoir.
Il y a toujours un contre argument, et une contre perspective.
Contrairement aux principes logiques aristotéliciens, une chose peut être vraie et fausse à la fois.
Quand vous croyez savoir, vous cessez d’évoluer et de penser… vous ne faites que régurgiter un dogme (et vous penchez vers le totalitarisme).
La réalité est trop complexe pour pouvoir être résumée en une doctrine compréhensible.
Le mystère est une part essentielle du processus d’acquisition de connaissance, dont on ne peut se dégager.
Gouffre métaphysique
Pour en revenir aux dangers du mysticisme… le péril ne consiste pas dans le fait d’avoir une pratique spirituelle.
Bien au contraire, de nombreuses études montrent qu’elles peuvent avoir un effet positif pour la santé mentale, et physique.
(Même les matérialistes l’admettent sous le prisme de l’effet placebo.)
Le danger réside plutôt dans le fait de croire, et d’imposer des idées indiscutables, et des axiomes indémontrables.
On appelle ça l’essentialisme (encore une conception héritée des Grecs).
C’est le fait de croire en des vérités objectives (comme les matérialistes), ou des vérités révélées (comme les fanatiques).
Pourquoi c’est important ?
Parce que quand on tombe dans ce piège épistémologique, on devient totalitariste, et on finit par imposer une tyrannie.
Par exemple, pour Leonard Peikoff, l’idéologie nazi n’était qu’une extension du collectivisme de Platon, actualisée par Kant, puis par Hegel.
(Il l’explique dans The cause of Hitler’s Germany.)
Mais Peikoff fait partie de l’école philosophique dite objectiviste.
Il n’a pas les travers de l’idéalisme, mais ceux d’Aristote et des réalistes.
Il pense qu’il existe un monde indépendamment de la perception.
C’est son axiome indémontrable.
Il critique le mysticisme des autres, mais ne voit pas le sien. (Si je comprends correctement l’objectivisme.)
Choisir ses outils conceptuels
Peut-être qu’au milieu de toutes ces ramifications, vous vous demandez là où moi je me situe.
Et bien je ne sais pas exactement.
Depuis mes recherches sur la physique quantique, j’ai tendance à penser en termes de probabilités, et non en termes de certitudes binaires (et aristotéliciennes).
Est-ce que le monde existe en dehors de la perception ?
Peut-être, oui, c’est probable… mais on ne peut rien dire de significatif sur cette réalité métaphysique (puisqu’elle est forcément au-delà des mots, du langage, et des représentations).
Mais peut-être aussi que le monde n’existe que dans notre tête, et qu’il est projeté à l’extérieur.
Mais dans les deux cas, aucune propositions ne semblent prouvables, que ce soit par la logique, ou par l’expérience.
Voici pourquoi cet éternel débat dure depuis le début l’histoire connue.
On juge un arbre à ses fruits, et on reconnaît un génie à son œuvre.
Les deux camps ont produit des monuments littéraires, et scientifiques.
La question réside aussi dans le fait de savoir ce que vous cherchez à accomplir.
Si vous cherchez une solution à un problème mécanique (ingénierie) alors l’approche matérialiste est plus adaptée.
Mais si vous cherchez à résoudre un problème psychologique, ou social (thérapie), alors l’idéalisme servira mieux la cause.
Il n’existe pas un modèle parfait qui convient à toutes les situations.
Aucune carte ne décrit exhaustivement l’univers.
La seule chose égale à l’univers, est l’univers lui-même.
Au-delà du mental
Au fils des années, j’ai accumulé nombre de perspectives en explorant différents paradigmes.
Le problème du spécialiste, c’est qu’il est tellement focalisé sur son domaine d’expertise, qu’il peut devenir hermétique à la contradiction, et perdre la vision globale.
Avant la modernité, tous les savants étaient polymathes.
Un des pièges de l’intellectualisme, c’est de s’identifier totalement à son mental.
Quand on s’identifie à ses pensées, l’attaque des idées est interprétée comme une attaque sur le Soi.
C’est pour cette raison que les gens défendent avec tant de véhémence leurs systèmes de croyance.
Ils sentent leur intégrité menacée quand on remet en cause leurs idées (et souvent la dissonance produit une réaction violente et émotionnelle).
Vous n’êtes pas vos pensées… vous avez des pensées (nuance).
Il s’agit d’un axiome erroné qui remonte à Descartes : « Je pense donc je suis » (identification au mental).
Et comme dit au début, les pensées que vous avez… et bien ce ne sont pas les vôtre (vous les avez contractées dans la culture)
C’est seulement quand vous prenez une certaine distance avec votre mental, que vous pouvez prendre le rôle de l’observateur.
Que reste-t-il quand vous arrêtez de penser ?
(Certains n’y arrivent jamais.)
Il reste l’être, la conscience, l’observateur… (Dieu.)
Différentes méthodes, qu’elles viennent de la sémantique générale, du yoga traditionnel, de la « pleine conscience » bouddhiste, ou de la mystique de Gurdjieff… proposent des méthodes d’entrainement pour arrêter le mental temporairement, et développer la perspective de l’observateur.
Parfois, il s’agit d’une révélation spontanée (comme c’est le cas d’Eckhart Tolle, qui l’explique au début de son livre Le pouvoir du moment présent.)
D’autres fois, elle est déclenchée par un choc émotionnel, par une maladie, un accident, ou une expérience religieuse, ou psychédélique.
Conclusion
Nous habitons une matrice sémantique qui voile l’essence des choses.
Ce qui existe au-delà du langage est ineffable par nature.
On ne peut en parler, on peut seulement en faire l’expérience.
Les artistes arrivent parfois à communiquer des entraperçus.
Mais la plupart qui s’y risquent se perdent dans des spéculations métaphysiques irréfutables, qui n’ont de sens que pour eux-mêmes (et c’est ce à quoi s’adonne la majorité des philosophes).
Si ces sujets vous intéressent, et que vous voulez condenser plus de 10 ans de recherche (et 5 ans de rédaction et d’édition), en quelques heures, vous pouvez vous procurer mon livre Manuel d’hygiène mentale, qui sort le 4 novembre 2024.
J’ai mis toute ma passion dans ce projet.
Je suis rarement pleinement satisfait de ce que je crée (on peut toujours faire mieux).
Mais aujourd’hui, je suis fière de pouvoir en faire la promotion, parce que je crois en la qualité du travail fourni.
Ce n’est pas parfait (et ce ne le sera jamais).
Mais je pense que le message communiqué a réellement la capacité de transformer des vies positivement, et de réaliser des potentiels.
— Geoffroy