Notre civilisation est au cœur d’une crise existentielle.
Et ce dilemme se répercute individuellement par ce sentiment de vide intérieur.
Pour quelle cause se battre quand toutes les valeurs se sont effondrées ?
Nous sommes au bord du précipice.
La quête de sens est le seul salut possible.
L’authenticité sauvera le monde.
Le virus nihiliste
Quand j’avais 7 ans, j’ai été frappé par une crise existentielle.
Plusieurs questions ont commencé à me tourmenter.
Je me demandais « pourquoi on existe », et à quoi ressemblerait la non-existence.
J’avais ouvert un gouffre métaphysique.
Si le monde avait été créé par un Dieu bienveillant, pourquoi était-il rempli de souffrances ?
Pourquoi considérait-on la vie comme supérieur au néant ?
Quelle était le sens de l’existence ?
Et à quoi ça sert de vivre ?
Les adultes répondaient soit par « personne ne sait », « ça ne sert à rien », ou encore par « la vie n’a pas de sens ».
Et petit à petit, le virus nihiliste a commencé à infecter mon esprit.
L’explication matérialiste ne m’a jamais paru convaincante.
Celle-ci dit que les seules choses qui existent sont physiques, que la conscience est un accident dans l’histoire (aléatoire) de l’évolution, et que l’univers n’a aucune finalité.
Rien n’a d’importance puisque le néant et la mort sont la destination finale et certaine.
Le problème, c’est que cette façon de penser est profondément déprimante.
Sans but, ni finalité, on n’a de motivation pour rien… et on se laisse mourir apathiquement.
L’optimisme tragique
Très tôt, j’ai donc commencé à m’intéresser à la position inverse.
Celle qui dit que oui, la vie a une finalité et un but.
J’ai ouvert la Bible, la Bhagavad-Gita, le Tao Te King, et d’autres livres de spiritualité, de philosophie, et de sciences occultes.
Et ces sujets m’ont obsédé jusqu’aujourd’hui (bien que j’essaye de les mettre entre parenthèses, pour me focaliser sur ce qui me permet de gagner ma vie).
Au début, je n’y comprenais pas grand-chose.
Mais j’étais fasciné par le mystère.
J’ai découvert un monde que la plupart des matérialistes désenchantés ignorent.
« Il n’y a pas d’athées dans les tranchées… » et lorsque la vie vous frappe de son destin tragique, rare sont ceux qui y survivent, sans un espoir dans une puissance supérieure.
Certains même prospèrent spirituellement dans ces situations tragiques.
Par exemple, Alexandre Soljenitsyne, dans L’archipel du Goulag, loue les bienfaits que peut avoir la prison sur une âme en quête de repentance et d’ascension.
« Léon Tolstoï avait raison lorsqu’il rêvait d’être emprisonné. […]
Tous les écrivains qui ont écrit sur la prison sans jamais y avoir été eux-mêmes se sont crus obligés d’exprimer leur sympathie pour les prisonniers, et de maudire la prison.
Moi… j’y ai passé suffisamment de temps. J’y ai nourri mon âme, et je le dis sans hésitation :
“Bénie sois-tu, prison, d’avoir fait partie de ma vie !’’ »
Et quand on y réfléchit, la vie monastique n’est pas si différente que la vie de taulard (ou de celle du soldat).
Mais pour ceux qui ont abandonné leur conscience, la tragédie ne fait que creuser le gouffre infernal, dans lequel ils sont piégés.
Trouver du sens dans la souffrance
Plus récemment, l’exemple de Damien Echols, un Américain innocent qui a passé 18 ans de sa vie dans le couloir de la mort (dont une bonne partie en isolation), pour un crime qu’il n’a pas commis… illustre la même conclusion.
Il attribue sa survit à sa dévotion à l’étude, et la pratique des arts kabbalistiques de la Haute Magie, et à la tradition hermétique.
Sa religiosité a sauvé sa vie, sa santé mentale, et son âme.
Et avec le recul, il ne regrette absolument rien, et voit même le bénéfice d’une telle expérience.
« L’âme doit d’abord souffrir pour connaître
La félicité parfaite du paradis…
Dure est la loi, mais obéir
Est pour les faibles la seule voie
Pour gagner la paix éternelle. […]
Seul le chagrin parfait l’amour. »
— Anatoly Vasilyevich Silin
Viktor Frankl aussi attribuait sa survie dans les camps de concentration à la foi dans l’avenir, et dans un idéal transcendant.
Ceux pour qui la vie n’avait plus de sens tombaient rapidement comme des mouches.
Alors qu’au contraire, ceux qui arrivaient à donner une signification à la souffrance, triomphaient des pires conditions ; et transmutaient le chaos en ordre.
Deux individus peuvent vivre la même situation objective, et pourtant se trouver dans des espaces psychiques totalement différents.
Ce ne sont pas les circonstances qui comptent, mais comment on les interprète.
Le premier instinct n’est ni le plaisir, ni pouvoir… c’est la quête de sens.
Explorer les systèmes de pensée
Quel est le sens de la vie ?
On ne peut vraiment donner une réponse générale qui conviendrait à tout le monde.
C’est la responsabilité de chacun d’y répondre, en fonction de ses circonstances, et de ses idiosyncrasies.
(Bien que les mythologies et les religions semblent presque réussir à y donner une réponse universelle.)
Ma quête de sens m’a amené à explorer différents paradigmes, et systèmes de croyances.
Il existe sûrement autant de façons de penser que d’individus, mais on peut, tout de même, les regrouper en deux grandes catégories :
- Celle des rationalistes
- Celle des existentialistes
Les premiers sont concernés par la réalité objective, les seconds par celle subjective.
Les premiers ont plus un esprit scientifique, et les seconds un esprit religieux ou littéraire.
On retrouve cette dichotomie depuis la Grèce antique.
Et toutes les philosophies ultérieures ne sont que des renaissances des anciens systèmes de pensées.
(C’est d’ailleurs pour ça que l’époque de la Renaissance s’appelle ainsi.)
Tous les courants peuvent être remontés à l’idéalisme de Platon, ou au réalisme d’Aristote.
En réalité, il y a très peu d’idées nouvelles.
Il n’y a que de vieilles idées qui prennent de nouvelles formes.
Si vous aviez le présentiment que tout était lié… et bien votre intuition visait juste.
Morale et dogme
Il y a quelques semaines, je courais en écoutant une vidéo de Formscapes dans les oreilles.
La lecture aléatoire m’amène sur une vidéo sur le néoplatonisme, que j’écoute ensuite en faisant à manger.
Et bien que je n’eusse jamais étudié le sujet, il m’était totalement familier.
Pourquoi ?
Parce que bien que je ne sois pas expert en la matière, je connais assez bien la Kabbale moderne.
À chaque époque, la science occulte prend une forme différente, bien que le fond reste le même.
Qu’elle soit expliquée par les patriarches bibliques, par Thot, par Pythagore, Platon, Plotin, Cornelius Agrippa, Athanasius Kircher, Blavastky, Éliphas Lévi, Papus, ou Crowley… la doctrine fondamentale reste la même.
Mais nous ne sommes pas là pour parler de cette tradition primordiale.
(On ne peut parler des choses sacrées en un langage vulgaire, sans les profaner.)
Avec le temps, j’ai appris que la spiritualité était avant tout un sentiment privé.
Et ceux qui crient sur les toits leur religiosité ne font qu’utiliser la morale comme un argument d’autorité.
(Les Grecs les appelaient les sophistes, les premiers chrétiens les pharisiens, en politique on les appelle les socialistes, et en sciences les zététiciens.)
Mais ce sont simplement des fanatiques qui utilisent la religion, et le dogme comme un prétexte.
La relation que chacun a avec le divin, et avec sa conscience, est sûrement la chose la plus intime qui soit.
Ce n’est pas quelque chose qui se crie à haute voix.
Alors méfiez-vous des faux prophètes.
« Lorsque vous priez, ne soyez pas comme les hypocrites, qui aiment à prier debout dans les synagogues et aux coins des rues, pour être vus des hommes. Je vous le dis en vérité, ils reçoivent leur récompense.
Mais quand tu pries, entre dans ta chambre, ferme ta porte, et prie ton Père qui est là dans le lieu secret ; et ton Père, qui voit dans le secret, te le rendra. »
— Matthieu 6 : 6
La fonction des systèmes de croyance
Quand on étudie la religion, il faut être aveugle pour ne pas voir le problème omniprésent du fanatisme, du dogmatisme, de l’intégrisme, et du cléricalisme… qui a pendant longtemps enchaîné l’Europe dans son âge sombre.
Et, encore aujourd’hui, de nombreux endroits du globe ne sont toujours pas soignés de cet obscurantisme (notamment au Moyen Orient, et en Afrique).
Mais la vérité, c’est que ce problème ne se limite pas aux sphères religieuses.
Et les formes les plus meurtrières de fanatisme se sont révélées être celles athée, communiste, et (national) socialiste.
L’emprise idéologique m’a toujours fascinée.
Comment peut-on s’enfoncer aussi profondément dans l’erreur, au point d’être capable d’y sacrifier sa vie, et celle des autres ?
Pourquoi les gens sont prêts à mourir pour défendre des systèmes de croyances ?
(Systèmes qui, en dernière analyse, ne peuvent être prouvés comme vrais rationnellement.)
La réponse est psychologique.
Un système de croyance sert aussi à réguler ses émotions.
« Ramener quelque chose d’inconnu à quelque chose de connu, cela soulage, rassure, satisfait, et procure en outre un sentiment de puissance.
Avec l’inconnu, c’est le danger, l’inquiétude, le souci qui apparaissent – le premier mouvement instinctif vise à éliminer ces pénibles dispositions.
Premier principe : n’importe quelle explication vaut mieux que pas d’explication du tout. »
— Nietzsche
La religion comme mécanisme de régulation
Vos théories à propos du monde vous offrent un sentiment de sécurité.
D’abord parce qu’une explication quelconque vaut mieux qu’une absence d’explication (la certitude fanatique est plus confortable que le doute).
Mais aussi par sa dimension sociologique.
Les systèmes de croyances ne fonctionnent seulement lorsqu’ils sont partagés par les membres d’une société.
Vos théories à propos du monde ne sont valables seulement quand elles sont aussi présentes dans la tête des gens avec qui vous interagissez.
Quand les deux parties mettent en pratique la théorie, les deux obtiennent ce qu’elles veulent, et la paix sociale est conservée.
On appelle ça communément les conventions, les mœurs ou la politesse.
C’est ce qui nous évite d’être constamment en guerre les uns contre les autres.
Pour qu’une société puisse être productive, ses individus doivent partager le même système de croyances, et le mettre en pratique.
Sans ces règles de coopérations, c’est le chaos, et tout s’effondre.
Les systèmes de croyances ne protègent pas simplement de l’anxiété de l’inconnu…
Ils protègent aussi l’intégrité de la société, et donc par extension de la mort elle-même…
Voici pourquoi les gens sont prêts à les défendre bec et ongles, même s’ils sont objectivement incorrects.
Voici pourquoi les gens sont prêts à mourir pour défendre des territoires idéologiques.
Voici pourquoi nous avons frôlé l’annihilation totale pendant la guerre froide (et la menace est toujours présente).
Et voici pourquoi l’importation d’idéologies étrangères moyenâgeuses en occident représente un danger pour la civilisation.
La morale innée
Si les systèmes de croyance ne servent qu’à maintenir un ordre social, on peut se demander s’ils sont totalement arbitraires.
Eh bien non (contrairement à l’avis erroné des post-modernistes).
Les idées, comme les organismes, sont soumis au mécanisme de l’évolution.
Celles qui conduisent à la destruction ne survivent pas dans le temps, puisque leurs porteurs échouent à les répliquer (étant morts).
Ce qui est vrai, évolutionnairement parlant, c’est ce qui permet la survie et la reproduction.
Et ce type de vérité est plus proche de la vérité existentielle, que de celle scientifique.
Bien avant l’apparition du langage, certains comportements ont été sélectionnés par la sélection naturelle, comme propice au but darwinien de l’existence.
Et ces comportements ont été rationalisés, seulement en second lieu, d’abord sous la forme d’histoires, et ensuite sous forme de lois.
Donc la morale qui leur est associée n’est pas arbitraire, puisqu’elle est enracinée dans la biologie.
Pour preuve, nombre de primatologistes, comme Frans de Waal, ont découvert qu’il existait des formes de proto-moralité inarticulée chez les chimpanzés.
Les travaux de Jean Piaget aussi démontrent, que chez les enfants, apparaît spontanément des systèmes de règles implicites, qui sont flagrant dans la dynamique du jeu.
Un enfant de 5 ans est capable de reconnaître et de respecter les règles d’un jeu, même s’il ne peut les articuler consciemment, ce qui montre qu’il s’agit d’une compréhension préverbale, et innée.
Et finalement, Carl Gustav Jung a démontré que l’inconscient collectif, et le symbolisme religieux étaient peuplés d’archétypes qui structurent la psyché, et donc par extension notre expérience du monde…
Conclusion
Si tout ces sujets vous intéressent, consultez mon ouvrage Manuel d’hygiène mentale.
On juge une philosophie aux fruits qu’elle porte.
Et il est certain que les philosophies nihiliste, matérialiste et post-moderniste ne produisent que des catastrophes dans la vie des individus, et des sociétés.
Les mythes, les symboles, et les archétypes sont presque infinis dans leur éventail d’interprétations.
Ce sont des sources inépuisables de sens.
Ils peuvent donc facilement combler, et résoudre le vide, et la crise existentielle qui caractérisent notre temps.
Nous ne pouvons revenir à des paradigmes archaïques.
Nous en savons trop.
Mais nous avons toutes les cartes en main pour séparer le bon grain de l’ivraie.
« Science sans conscience n’est que ruine de l’âme. »
— Rabelais
Nous pouvons avoir une spiritualité sans fanatisme.
Comme nous pouvons avoir une science sans nihilisme.
Nous sommes techniquement surdéveloppés.
Mais moralement très en retard.
Et il est temps de rétablir la balance…
Parce que notre potentiel destructeur grandit chaque jour.
— Geoffroy