Il y a un peu plus de dix ans, la vague qu’il fallait surfer était celle des réseaux sociaux.
La plupart des créateurs de cette époque ont fait fortune.
Et ceux qui essayent de se lancer aujourd’hui sont déçu de se rendre compte qu’ils ont raté la vague.
La nouvelle opportunité aujourd’hui est celle de l’IA.
Donc voici comment l’utiliser à son avantage (et au passage éviter ses risques).
Comprendre la propriété intellectuelle
Je l’ai déjà raconté dans plusieurs articles, mais l’information la plus utile que j’ai acquise pendant mes études… c’est sûrement la compréhension du droit d’édition.
En sachant comment fonctionne la propriété intellectuelle, j’ai pu gagner mes premiers euros en ligne (alors encore étudiant), en exploitant le domaine public.
Et cela m’a aussi permis de me défendre, lorsque l’on a essayé de me remplacer en me volant mes créations.
La beauté du copyright, c’est que tout ce que vous créez d’original vous appartient automatiquement à vie, et même après votre mort (sauf si vous décidez de vendre les droits).
Vous l’avez sûrement remarqué, mais l’IA devient de plus en plus performante pour créer des images artistiques, et des textes originaux.
Et en matière de droit, cela nous amène à nous poser de nouvelles questions.
À qui appartient le contenu généré par IA ?
C’est une question cruciale, parce que sa réponse va déterminer la propriété (et donc l’entité qui bénéficiera financièrement de l’exploitation des œuvres créées par IA).
Le contenu appartiendra-t-il aux programmeurs des IA, à ceux qui les promptent, ou encore aux créateurs des œuvres sur lesquels l’IA a été entraînée ?
C’est ce que nous allons voir.
Qui est l’auteur de l’œuvre ?
Pour bien comprendre la situation, le mieux, c’est d’utiliser des exemples passés.
Prenons celui de David J. Slater, un photographe qui suscita la controverse, à cause d’une ambiguïté en matière de droit.
David part en Indonésie pour photographier des singes.
Il met en place un dispositif, qui permet aux primates de se prendre en selfie.
Les clichés deviennent viraux, attirent l’attention, et génèrent des revenus.
Dans cette situation, à qui appartient les droits des images, à votre avis ?
Pour David, c’est une évidence… et c’est bien lui le seul propriétaire. Après tout, c’était son dispositif…
Mais certaines organisations de défense des animaux vont contester, et dire que les droits des images devraient revenir aux singes, qui sont les auteurs des selfies.
(En gros ils voulaient que les fonds soient reversés à leur cause, le tout sous couvert de bienveillance, et de moraline écologiste.)
L’affaire ira en justice.
Quelle sera la délibération ?
Le tribunal décidera, en effet, que les singes concernés étaient les seuls légitimes à revendiquer les droits des images.
Conclusion : si votre chat prend accidentellement une photo avec votre smartphone, eh bien c’est lui le détenteur théorique des droits…
Mais il y a un twist :
C’est que la propriété intellectuelle reste un privilège exclusivement humain.
Donc aucun animal ne peut en bénéficier.
Et si aucun auteur ne peut être légalement reconnu, alors l’œuvre tombe dans le domaine public.
Quel est le rapport avec l’IA ?
Nous y venons.
Les machines ont-elles des droits ?
Si les animaux ne peuvent bénéficier de droits d’auteurs, qu’en est-il des machines et des algorithmes ?
Reprenons un exemple : celui de Stephen Thaler.
Stephen est un entrepreneur qui invente une IA nommée DABUS.
L’algorithme est un des premiers à réaliser des créations originales.
Il génère notamment des images, et même des inventions, que Stephen va essayer de breveter.
Il va alors déclarer que DABUS est l’inventeur des œuvres, pensant qu’en étant le propriétaire de l’IA, les droits lui revenaient logiquement.
Mais que ce soit en Europe, ou aux États-Unis, sa demande fut rejetée.
La parenté des œuvres est attribuée à la machine, et est donc la seule légitime à revendiquer les droits.
Mais encore une fois, la propriété intellectuelle est réservée aux humains.
Donc… le contenu généré par IA ne peut être revendiqué par les créateurs des IA, et donc tombent dans le domaine public !
(Ou plutôt dans un vide juridique qui sera peut-être bientôt comblé.)
La propriété des prompteurs d’IA
Mais qu’en est-il des utilisateurs, et de ceux qui promptent les IA ?
Ici il y a une nuance, qui est flagrante dans le cas de Kristina Kashtanova.
Kristina crée une bande dessinée grâce à des images générées par l’IA Midjourney.
Elle réclame les droits, les obtient, et s’en va fanfaronner sur les réseaux.
Grave erreur… l’administration révoque sa décision.
Comme dans le cas précédent, l’algorithme est la seule entité légitime à pouvoir réclamer la paternité des images.
Mais Kristina se défend, en disant que c’est bien elle qui a imaginé le scénario, le texte, la structure, l’agencement et la mise en page.
Le tribunal va accepter l’argumentaire.
Conclusion : les images générées, en soi, ne sont pas protégées ; mais que le travail d’édition l’est.
La rémunération du travail créatif
Que faut-il donc retenir de l’état actuel de la législation ?
- Que le contenu généré par IA tombe dans le domaine public (ou un vide juridique exploitable).
- Que vous ne pouvez pas réclamer les droits d’une création non-humaine, ou d’une IA.
- Que vous pouvez utiliser créativement le contenu généré par IA, et revendiquer les droits.
Ici, le mot clé, c’est « créativement ».
Vous devez y apporter une touche d’originalité, et l’empreinte de votre personnalité.
Par exemple, il existe un cas, ou une agence de télécommunication a essayé de revendiquer les droits d’un annulaire téléphonique.
Une liste de faits (dans ce cas, des numéros) ne peut pas être revendiquée, parce que l’aspect créatif est absent.
(Même si celle-ci est rangé par ordre alphabétique… puisque c’était l’argument de défense.)
Pareillement pour les reproductions d’œuvres.
Certains photographes ont essayé de déposer les droits de clichés de peintures dans le domaine public… sans succès.
Pourquoi ?
Parce qu’il n’y a rien d’original dans le fait de créer une copie conforme.
Malheureusement, en France, bien que la même logique s’applique… les musées et les bibliothèques restent réfractaires, et tentent de grader la main mise sur les œuvres qu’elles conservent.
Le Louvre, Orsay, et Gallica revendiquent régulièrement des droits sur du patrimoine culturel, depuis longtemps tombé dans le domaine public (ce qui est clairement un abus).
Enfin bref, c’est une disgression… tout ceci pour dire qu’en tant qu’utilisateur de l’IA, vous avez tous les droits de l’utiliser créativement, et d’en tirer bénéfice.
Mais c’est peut-être en train de changer.
Compenser les fournisseurs de data
Il existe des affaires (encore en cours à l’heure où j’écris) dont la délibération aura peut-être une influence sur la législation future.
Les IA sont entraînées sur des bases données.
Et le plus souvent, celles-ci sont tirées d’internet, et du contenu de ses utilisateurs.
Plusieurs voix ont revendiqué que ce sont les auteurs de l’information sur laquelle l’IA est entraînée, qui devraient détenir les droits sur les outputs de l’algorithme.
Actuellement, ce n’est pas le cas.
En ce moment (février 2025), le New York Times est en conflit avec OpenAI.
Le journal dénonce une violation de ses droits d’auteurs, parce que ChatGPT s’est entraîné sur les milliers d’articles produits par ses journalistes.
OpenIA se défend en répondant que l’utilisation de ces données tombe dans la catégorie du « Fair use ».
Un autre conflit en cours similaire est celui opposant Getty Images contre Stability AI.
Sur les mêmes principes, Getty Images (une banque d’images payantes), réclame 1,7 milliards de dollars, parce que l’IA a entrainé son algorithme sur ses bases de données sans permission.
Ces affaires attendent leur verdict final, et leurs délibérations pourraient servir de jurisprudence pour la législation future.
Qui seront les bénéficiaires ?
Il se pourrait que la loi change dans un futur proche.
Certains pensent que les créateurs des IA devraient de facto détenir les droits de ses outputs, mais que les auteurs des données sur lesquelles elles sont entraînés devraient être compensés.
Mais à mon avis, cette philosophie aurait la fâcheuse tendance à encourager les monopoles.
Si les géants de la tech détiennent les droits sur les créations de leurs algorithmes, alors ils seront les bénéficiaires majoritaires des révolutions à venir.
Ceux qui ont contribué en fournissant des données à la machine ne se partageront que les micro-miettes d’un gâteau colossal.
En réalité, l’état actuel de la législation est assez satisfaisant.
Le fait que chacun puisse utiliser créativement les outputs des IA, parce qu’elles tombent dans le domaine public, est la meilleure façon de redistribuer équitablement la puissance cognitive des machines.
Pour rappel, avant le départ d’Elon Musk d’OpenAI (dont il est l’un des fondateurs, et le contributeur majoritaire), l’entreprise était déclarée comme « à but non-lucratif ».
Selon ses dires, le projet était conçu open source, justement pour éviter le risque monopolistique ; et pour faire bénéficier de la technologie au plus grand nombre.
Et d’ailleurs, dans une interview avec Jordan B. Peterson, il s’indigne de voir OpenAI changer sa politique en 2019, après son départ, en devenant une entreprise à but lucratif.
C’est absolument certain, l’IA va créer plus de richesses, dans des mesures stratosphériques encore jamais inégalées.
La question est de savoir qui en tirera les bénéfices.
Les utilisateurs créatifs, ou les géants de la tech ?
Les révolutions à venir
La vitesse d’évolution de l’humanité s’accélère.
Dans le premier chapitre de mon livre, je parle de la courbe de Buckminster Fuller, qui dit que la connaissance humaine double à une cadence toujours plus rapide.

À l’époque où j’écrivais, ChatGPT n’existait pas encore.
L’IA, parallèlement à la Loi de Moore (qui dit que le nombre de transistors dans un circuit intégré double tous les deux ans ; ce qui permet une plus grande vitesse de calcul, et une plus grande de capacité de stockage) va permettre une explosion vertigineuse de la connaissance.
Imaginez une intelligence capable de lire un livre en une seconde, et de mettre en pratique son contenu de façon originale en deux.
Les implications pour la recherche scientifique, et l’innovation sont pharamineuses.
Prenez l’homme le plus intelligent de la planète, multipliez son QI par 1000, et dupliquez son cerveau par 10000, et vous avez une idée de ce que le futur nous réserve.
Tous les problèmes médicaux, scientifiques, économiques, techniques, et opérationnels… pourraient être résolus en quelques secondes, avec des IA suffisamment performantes (c’est ce qu’on appelle la « singularité »).
Le plus gros problème à venir sera de savoir comment utiliser son temps libre, et comment ne pas mourir d’ennui, quand les machines feront tout mieux que nous.
L’arme du futur
L’IA représente aussi un énorme risque, si elle tombe dans de mauvaises mains.
C’est l’outil rêvé de tout autocrate pour imposer sa propagande idéologique, et une surveillance totale.
Il suffit de voir comment la Chine, ou l’Iran utilisent ces technologies pour avoir un avant-goût dystopique des risques.
Souvent, quand on raconte l’histoire des nations, on place des dates arbitraires, comme des indicateurs pratiques sur un continuum.
Par exemple, on dit que la Première Guerre mondiale dura de 1914 à 1918.
Mais la réalité, c’est que les mêmes dynamiques conflictuelles existaient déjà sous Napoléon, et qu’elles se sont aussi poursuivies avec la Seconde Guerre mondiale, puis la Guerre Froide.
Les choses ne commencent pas, et ne s’arrêtent pas brutalement (les vieilles rancœurs peinent à mourir).
La Guerre Froide ne s’est pas terminée avec la chute du mur de Berlin.
Il existe toujours un bloc communiste, en guerre contre l’occident, le libéralisme, et la démocratie.
Et il n’a pas dit son dernier mot.
S’il gagne la course à l’IA, le rapport de force risque de s’inverser… et la technologie deviendra au service de l’autoritarisme (imaginez comment Staline ou Mao l’auraient utilisée…).
Les guerres modernes ont toutes basculé à cause d’un avantage technologique.
Lors de la Première Guerre, les Allemands avaient d’abord l’avantage sur les mers grâce à leurs fameux sous-marins, les U-Boots.
Avantage qu’ils perdirent à cause de l’invention de nouveaux radars.
Sur terre, le rapport de force s’est inversé avec l’introduction des premiers chars d’assauts, qui permirent de remporter des batailles décisives pour la victoire finale.
Et pour ce qui est de la Seconde Guerre, elle s’est terminée par le largage américain de deux bombes atomiques…
L’IA sera la technologie qui déterminera la résolution des conflits modernes, par l’avantage stratégique qu’elle procurera.
Conclusion
Les rares temps de paix dans l’histoire de l’humanité sont gagnés grâce à des victoire écrasantes, et des sacrifices colossaux.
La géopolitique est une question de rapport de force.
Et il n’y a que le petit blanc dans son confort occidental qui est incapable de comprendre ceci.
Il est faible, et lâche, et préfère donc ignorer l’évidence, puisqu’il est incapable de se battre.
Mais c’est précisément cette attitude qui fait que les empires s’effondrent (par la lâcheté, l’apathie et l’aveuglement volontaire).
Le dialogue, et la négociation ne sont possibles seulement quand le respect (et la crainte) sont imposés.
Même dans la vie privée et professionnelle, l’agréabilité (dans le modèle psychométrique « Big 5 ») prédit l’échec dans le monde des affaires, et le marché des relations.
Et dans la nature, aucune sympathie n’est accordée aux infirmes.
Comme disait Marlène Schiappa, en citant Spider Man (c’est dire le niveau de nos politiques) : « un grand pouvoir implique de grandes responsabilités ».
L’IA représente un plus gros risque que celui d’un conflit nucléaire.
Alors autant s’en servir sagement.
— Geoffroy