Les addictions sont un sujet tabou qui touche pourtant tout le monde.
Nous sommes tous tentés vers des comportements compulsifs, que l’on arrive plus ou moins contrôler.
La différence entre le réel besoin physiologique et l’addiction est parfois difficile à discerner.
En France, en 2017, on estimait à 3 millions le nombre de personnes alcooliques (6% de la population, ou 1 personne sur 17).
Drogues, sexe, jeux d’argent, réseaux sociaux, jeux vidéo, malbouffe… personne n’échappe totalement aux problèmes de la dépendance.
Il s’agit d’une composante que nous devons tous apprendre à gérer, car elle peut facilement nous tirer vers le bas.
Le Contrôle pharmacologique
Étrangement le mot « drogue » évoque, chez la plupart, seulement les substances psychoactives illégales.
Seulement une petite part est prête à accepter qu’il existe des drogues légales, comme le tabac, le café ou le sucre.
Mais encore moins sont conscients qu’il n’existe pas réellement de différence entre un médicament et une drogue.
Cette différence est seulement légale et morale. Ceux qui imposent cette frontière sont ceux qui contrôle le dogme et le tabou imposé sur la société.
La première question à se poser est donc :
Est-ce qu’il s’agit d’un tabou justifié ?
On pourrait croire que ce qui fait la légalité d’une drogue, c’est sa dangerosité pour l’individu et la société, ainsi que son potentiel addictif.
Seulement, lorsque l’on constate la plupart des tableaux de classification des drogues, on constate que l’alcool et le tabac sont très proches de la cocaïne, du crack, de l’héroïne et de la méthamphétamine en termes de préjudice.
On constate aussi que la plupart des drogues qui ont des effets néfastes relativement minimes restent illégales.
D’autres drogues sont tellement banales et admises que personne ne se pose la question de leur dangerosité.
C’est le cas par exemple de la caféine (ou du sucre), aussi très addictive, avec une forte accoutumance, qui à haute dose peut causer de nombreux problèmes de santé.
Quel est donc la logique derrière ces choix de régulation ?
Il serait temps, en tant que société, d’avoir une réelle discussion mature, informée, et décomplexée sur les drogues.
Histoire des drogues
Les substances psychoactives ont toujours été un enjeux majeur des civilisations.
Le fruit des dieux
La première rencontre de l’Homme avec celles-ci, sous forme de champignons, datent de la préhistoire.
Une communauté grandissante de scientifique pense qu’ils ont joué un rôle majeur dans le développement de nos facultés cognitives et perceptives.
Ils les associent aussi à l’émergence des civilisations, du langage et des religions.
Ceux-ci ont découverts que la psilocybine (composant psychoactif de certains champignons) stimulait la neurogénèse, et la synaptogénèse.
Neurogénèse signifie la croissance de nouveaux neurones dans le cerveau.
Synaptogénèse signifie la croissance des connexions synaptiques entre les neurones.
En terme simple : ils pensent que la psilocybine améliore les capacités cognitives, et favorise un fonctionnement holistique du cerveau.
Terrence McKenna, par exemple, pense que c’est ce type de champignon qui est responsable de la transition évolutionnaire du singe à l’homme.
C’est la fameuse théorie du « Stone Ape ».
Depuis les premiers chamanes jusqu’à l’antiquité, les drogues servent dans les rites religieux, initiatiques et magiques, à la divination et à la médecine.
Quasiment toutes les cultures ont été en contact avec les drogues de la famille des psychédéliques, que ce soit sous forme de cannabis, d’ergot de seigle, de champignons, de produits fermentés, de mixtures et j’en passe.
L’Europe en sevrage
Mais à partir du Moyen âge, celles-ci vont quasiment disparaître d’Europe. Leur usage devient marginal, et sujet au marteau de l’Inquisition.
La culture occidentale doit alors se contenter d’alcool, qui est très différent dans ses effets, et beaucoup plus néfaste (voir le tableau plus haut).
McKenna insiste également sur le fait qu’une grande partie de la colonisation, et de l’esclavage, à la Renaissance, est en partie motivée par le désir européen de consommer des produits exotiques et psychoactifs, comme le café, le chocolat, le thé, l’opium, la coca, et le sucre.
Encore aujourd’hui ces substances sont au cœur de manigances politiques et d’histoires de corruption.
Certains indices pointent, par exemple, l’implication de la CIA dans les trafics internationaux de cocaïne et d’héroïne.
Et si l’on en croit les révélations de Gérard Fauré, l’ex-dealer du Tout Paris, quasiment l’ensemble de la classe politique française des années 90 était impliquée dans le trafic de cocaïne.
Une Redécouverte Archaïque
Les psychédéliques ne seront réintroduit dans le monde occidental que progressivement à partir du XIXème siècle, d’abord avec le cannabis.
Puis se sont les anthropologues qui redécouvriront les substances naturelles des tribus primitives (ayahuasca, champignons, graines…).
Et finalement, les chimistes et les scientifiques du XXème découvriront les formes synthétiques des psychédéliques comme le diéthyllysergamide (LSD) et la diméthyltryptamine (DMT).
La réintroduction de ces drogues hallucinogènes dans le monde occidental a eu l’effet d’une bombe au niveau civilisationnel.
De nouveaux genre artistiques émergent.
La plupart des dogmes religieux, et des formes d’autorités, sont remis en question.
De nouvelles philosophies voient le jour (existentialisme).
Même les milieux scientifiques et économiques ne sont pas épargnés.
Beaucoup de génies comme Steve Job, Bill Gates, Francis Crick (Prix Nobel pour la découverte de la structure de l’ADN), Richard Feynman (Prix Nobel de Physique), ou Aldous Huxley… avouent l’influence qu’a eu le LSD sur leur créativité, leur perception du monde, et leur travail.
Au niveau théologique, la réintroduction des psychédéliques en Europe concorde avec la mort progressive du dogme catholique, et avec la révolution sexuelle.
Le sexe redevient, comme aux époques archaïques, une forme de pratique religieuse tolérable (tantrisme).
On assite également à une recrudescence de l’hermétisme, de la magie et des sciences occultes, qui ne risquent plus les foudres de l’Inquisition.
Les nouvelles spiritualités deviennent syncrétiques, acceptant une vérité commune à toutes les religions, mais exprimée de façon différente.
Et finalement, les expériences religieuses deviennent des phénomènes observables en laboratoire.
Le retour des psychédéliques en Europe est une révolution qui a impacté l’ensemble de la société, et qui a fait trembler les plus hautes institutions.
Voici donc la brève histoire des drogues et de leurs conséquentes ramifications sociologiques.
Drogue et système nerveux
Le contexte étant posé, il existe plusieurs façons de catégoriser les drogues. Plus haut, nous en avons vu une qui les classait en fonction de leur additivité et de leur dangerosité.
Un autre classement peut se faire en fonction de leurs effets sur le système nerveux. Il en existe plusieurs, mais il est commun de les classer selon les groupes suivants :
- Stimulant (caféine, cocaïne, amphétamine, nicotine…)
- Sédatif (alcool, anti-dépresseur, héroïne…)
- Psychédélique (cannabis, LSD, psilocybine, DMT…)
Dans le modèle des 8 circuits de conscience (8CC), présenté précédemment, chaque substance est connue pour stimuler un certain circuit.
Les opioïdes stimulent et apaisent artificiellement les besoins de C1 (circuit oral de survie biologique). Ils reproduisent l’état de béatitude du nouveau née (et du fœtus) qui n’a pas encore à lutter pour la survie.
L’alcool stimule C2 (circuit anal-territorial) et réduit l’anxiété lié aux questions de statut social. C’est pour cette raison que l’ivresse décomplexe et a tendance à rendre agressif.
La cocaïne, la caféine et la nicotine stimulent C3 (circuit sémantique) en accélérant le système nerveux. Sous cette emprise les pensées fusent à la vitesse de la lumière, comme un monologue accéléré.
Certains associent la MDMA à C4 (circuit moral socio-sexuel). Dans cette catégorie, on peut inclure les substances qui stimulent sexuellement.
Pour rappel, ces 4 premiers circuits sont actifs chez la majorité des gens, et forment la personnalité de l’individu.
Les 4 derniers n’ont été développés que par une minorité d’individus souvent reconnus comme des génies ou des maîtres.
Lorsque les circuits supérieurs sont stimulés, l’individu expérimente une expérience religieuse. Il s’agit d’un phénomène très bien connu, déjà traité par William James, Abraham Maslow, Timothy Leary, Roland R. Griffiths… et bien d’autres.
C’est précisément une des caractéristiques des psychédéliques : ils stimulent C5, C6, C7 et C8.
(Pour en savoir plus sur ce modèle, consultez mon article sur les 8CC.)
L’usage Thérapeutique
Maintenant que nous avons étalé toutes les données, nous sommes plus en mesure de juger de la pertinence (et de l’éthique) de l’usage des substances psychoactives.
La valeur d’un médicament varie en fonction de la balance : bénéfice – effet secondaires.
On va naturellement tenter de maximiser les bénéfices et de minimiser les préjudices (dangerosité, addictivité).
Enfin, cela serait le cas dans un monde sans lobbies pharmaceutiques.
Beaucoup ont très vite compris le potentiel économique des drogues. Plus celles-ci sont addictives, plus elles rapportent.
De nombreuses drogues, qui ne coûtent presque rien à fabriquer, dont les brevets sont dans le domaine publique, et dont les effets secondaires sont négligeables, sont délibérément occultées, voire interdites, parce l’industrie préfère mettre en avant de nouveaux produits plus rentables.
L’histoire de la médecine industrielle est jonchée de ce type de scandale. Le dernier en date ayant été exposé par le docteur Didier Raoult avec l’histoire de l’hydroxychloroquine.
Que dire également du lobbies des psychiatres, qui impuissant face aux troubles mentaux, semblent n’avoir aucun autre recours que la solution médicamenteuse.
Quand j’avais 14 ans on m’a recommandé des antidépresseurs et des somnifères. J’ai refusé et j’ai préféré les remplacer par du cannabis.
Le cannabis est l’exemple typique de l’hypocrisie de la régulation.
Celui-ci est utilisé depuis des millénaires comme plante médicinale. Il est prouvé comme efficace contre les maladies suivantes, entre autres :
- Épilepsie
- Sclérose en plaques
- Glaucome
- Trouble de stress post-traumatique
- Maladie de Crohn
- Nausées et vomissements
- Douleur chronique
- Anorexie
- Insomnie
- Alzheimer
- Dépression et anxiété
- Troubles dissociatifs
Il ne coute rien à produire, ses effets secondaires sont négligeables, son accoutumance et son addictivité sont faibles. Il ne représente pas un danger ni pour le consommateur, ni pour son entourage.
Pourtant il reste interdit et diabolisé, tout en préférant prescrire du Xanax (benzodiazépine) à des adolescents en difficulté.
Lorsque l’on contraste la chose avec l’alcool, tout devient encore plus absurde.
On estime que 30 à 40% des crimes commis sont exécutés sous influence de l’alcool. Ce pourcentage monte entre 50 et 70% dans les cas de viol.
(Réglez le problème de l’alcool et vous réglez la moitié des problèmes de violence.)
C’est une substance extrêmement addictive, avec une forte accoutumance, qui détruit des millions de vies et de foyers chaque année.
Pourtant, elle reste en vente libre.
Suis-je le seul à être agacé que personne ne semble voir la contradiction ?
(On pourrait en dire de même de la psilocybine. Tous ceux qui sont familiers avec la littérature scientifique sur le sujet reconnaissent son potentiel thérapeutique, et de sa bénignité relative, comparée aux substances légales.)
Conclusion
Nous avons tous des moyens différents pour relâcher la pression, et pour soulager les difficultés de la vie.
Nos histoires ne sont pas les mêmes. Et nous avons tous des réactions différentes face aux mêmes produits (idiosyncrasie).
La triste vérité est que la plupart mourront avec leurs addictions.
Sans aide, c’est moins de 5% des fumeurs de tabac qui arrivent à arrêter la nicotine.
C’est un taux de réussite similaire à celui de l’héroïne.
Ensuite, parmi ceux qui réussissent, il y a une grande part qui va compenser le manque de façon aussi toxique. (Comme l’ancien tabagiste qui va prendre 40 kg en quelques mois.)
Peut-on échapper à l’addiction ?
La littérature est plutôt pessimiste sur ce point.
La question n’est peut-être pas : comment y échapper ? mais plutôt comment limiter la casse ?
On limite la casse en étant informé des risques et des propriétés de chaque substance. De cette façon, on peut s’abstenir, s’il est encore temps.
Si l’addiction est déjà installée, on peut changer son « traitement » vers le « médicament » qui a le meilleur ratio : bénéfice / effet secondaire.
Il est aussi évident que la répression ne fait qu’empirer le problème, et qu’elle encourage la violence et le développement d’un marché noir irrégulé.
Maintenant, existe-t-il de réelles solutions durables pour soigner les addictions ?
Une part de la littérature (Griffiths) semble montrer que les expériences religieuses peuvent induire des guérisons durables, qui impliquent aussi des changements de personnalité.
Aleister Crowley pose aussi indirectement cette question dans son roman : Journal d’un drogué. (Spoiler alerte)
Celui-ci raconte la descente aux enfers d’un couple de toxicomane. Les personnages arrivent finalement à se sortir de ce cycle infernal en suivant leur « Dharma ».
Pour lui, nous avons tous un destin propre à accomplir. C’est seulement lorsque l’on s’éloigne de notre passion, et de notre raison de vivre que nous sommes tentés vers les paradis artificiels (ils deviennent alors un obstacle à nos objectifs).
La morale de l’histoire est que toute difficulté peut être surmontée lorsque le « pourquoi » de nos actions est inspiré par un idéal transcendant.
Voila pourquoi j’insiste dans de nombreux articles sur la nécessité d’avoir une vision, et de travailler à l’accomplir.
— Geoffroy