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Le relativisme moral contre les grands narratifs

Nous vivons dans un monde désenchanté. L’occident est devenu un no man’s land culturel. La modernité a agi comme un Pharmakon (un remède et un poison à la fois) qui a transformé l’individu en esclave cynique et nihiliste.

En chacun de nous se déroule une furieuse bataille entre le bien et le mal. J’ai parlé plus en détail de ce drame dans un article précédent. D’un côté, de nombreuses découvertes anthropologiques et sociologiques tendent à montrer que la morale est quelque chose de culturelle et tribale. De l’autre, on voit qu’en pratique, l’application des principes du relativisme moral crée un véritable enfer sur terre.

Encore une fois on tombe sur cette dichotomie épistémologique : ce qui est vrai selon le modèle scientifique et matérialiste, ne l’est pas forcément dans le domaine de l’euristique et du pragmatisme.

Le circuit moral socio-sexuel

Anthropologiquement, les tabous varient selon les cultures. Certaines tribus sont exogames (partenaires choisis en dehors du groupe), d’autre sont endogame (à l’intérieur du groupe). Même l’inceste et le cannibalisme ne sont pas des tabous universels. Par exemple, beaucoup de dynasties (Ancienne Egypte, Borgia…) pratiquaient l’inceste pour garder le pouvoir dans les mains de la famille. On peut aussi citer les tribus dites primitives (Fore, Azandé) qui mangeait le corps de leurs ancêtres, ou de leurs ennemis.

Il n’existe pas de tabou universel, mais chaque tribu a sa propre morale. Celle-ci sert une perspective évolutionnaire. Les interdits culturels les plus stricts encadrent la sexualité, et sont des stratégies d’évolution génétique du groupe. Les anthropologues ont remarqué que l’exogamie permettait une meilleurs sociabilisation entre tribus et une diminution des guerres de clan, par exemple. Mais les stratégies changent selon les environnements. Une tribu oppressée de toutes parts va privilégier l’endogamie pour protéger son patrimoine génétique chancelant.

Ainsi, chaque société va imposer à l’individu un certain nombre de règles morales. L’institution du mariage monogame en est un exemple. Selon plusieurs écoles psychanalytiques (S. Freud, R. A. Wilson), ce circuit moral est imprégné à l’adolescence et va déterminer les comportements et les préférences sexuelles de l’individu. C’est de cette façon qu’il refoule (ou sublime) ses pulsions animales pour pouvoir vivre en groupe : par les tabous et la morale.

La morale des puissants

A ces faits anthropologiques viennent se greffer les deux principales conclusions logiques de la modernité : le nihilisme et matérialisme. Dans un monde sans transcendance, la morale n’est qu’un instrument de domination qui sert une petite élite. Elle n’est qu’une stratégie politique de contrôle des masses, et de monopolisation de la violence. En effet, l’Etat est le seul détenteur de la « violence légitime » et du droit de vie ou de mort. Il use de lois, soi-disant morales, pour défendre son intégrité et assoir sa domination.

Pourquoi donc obéir à des lois arbitraires qui se fichent de l’individu ? Pourquoi tuer un politicien ou une prostituée est-il moins acceptable que de tuer un ennemi en temps de guerre ? Le darwinisme semble prouver que nous ne sommes que des primates luttant pour la survie et la reproduction de nos gènes.

La conclusion logique du relativisme moral

Même la sympathie et l’altruisme ne sont que des stratégies coopérative servant encore égoïstement la prolifération de nos gènes. La compassion générale et indifférencié pour l’humanité entière n’est jamais authentique. Celui qui dit vouloir le bien de l’humanité ne le fait que par conformisme et manipulation d’opinion envers sa personne. Il veut bien se faire voir, montrer qu’il est docile et qu’il a bien ingurgiter la propagande des forts.

Celui-ci affirmerait qu’il condamne toute activité criminelle, alors qu’en réalité il condamne le fait de se faire prendre. Il n’agit pas par vertu, mais par lâcheté, et par la peur du châtiment et du lynchage. Il est en réalité fasciné par ceux qui brisent l’interdit, ceux qui sont réellement libres de leurs actes, ceux qui expriment leur volonté de puissance.

Morality is what you can get away with.

Timothy Leary

Le raisonnement que je viens de décrire est parfaitement cohérent et a été décrit en profondeur par les plus grands philosophes de l’histoire (Schopenhauer, Nietzsche…). C’est également la philosophie adoptée par la plupart des serials killers qui se sentent légitime dans leurs crimes. Combinez nihilisme, matérialisme, relativisme moral, et darwinisme social et vous avez tous les arguments rationnels qui conduisent au meurtre.

Les conséquences du nihilisme

Seulement agir sur ces prémices conduit à une existence misérable. C’est le thème qu’explore Dostoïevski dans Crime et châtiment. Il donne au protagoniste Raskolnikov toutes les raisons possibles et inimaginables de commettre le meurtre parfait. Son crime demeurera un secret bien gardé mais qui deviendra un fardeau de plus en plus insupportable pour sa conscience. Il finira par se rendre lui-même pour alléger ce poids de culpabilité.

Il arrive souvent que les criminels se rendent eux-mêmes pensant pouvoir alléger leur conscience par une punition adéquate. L’ultime délivrance étant bien entendu la mort, il n’est pas rare de voir des criminels se suicider après avoir commis des actes de barbarie. De même les soldats développent des syndromes post-traumatiques lorsqu’ils commentent l’irréparable, et découvrent pleinement la part prédatrice qui réside en eux.

Un rempart à la tragédie de la vie

Le philosophe Kant, conscient de cette problématique proposa son impératif catégorique, qui est basiquement la règle d’or des grandes religions : « ne fait pas aux autres ce que tu n’aimerais pas qu’ils te fassent ». Si l’on pense de façon pragmatique, on peut dire que l’existence vous punira si vous ne respectez pas la règle d’or.

Le paradis et l’enfer sont les dimensions que vous explorerez en fonction de vos actions. Ces états ne sont pas des catégories scientifiques, mais plutôt des expériences subjectives universelles. Ces expériences – ces sensations – sont universelles parce que nous disposons tous du même système nerveux, et des mêmes neurotransmetteurs.

Sur la structure de l’existence

En réalité, nos systèmes nerveux (étant plastiques et en constant formatage) sont tous différents, mais la structure reste la même. Et si l’on est assez perspicace, on se rend compte que la structure de l’univers est la même que celle du système nerveux. C’est pour cette raison que les anciens occultistes pensaient que le Microcosme reflétait le Macracosme, que l’Homme était fait à l’image de Dieu.

Quel est le point commun entre :

  • Le système nerveux ?
  • Un arbre ?
  • L’énergie noire du cosmos ?
  • Un programme informatique ?
  • Une histoire pour enfant ?

La réponse est : la structure !

La hiérarchie naturelle

Tous ces éléments sont arrangés de façon hiérarchique. Les brindilles de l’arbres s’attachent aux branches, qui s’attachent au tronc. Une histoire est composée de mots, imbriqués dans des phrases, elles-mêmes imbriquées dans des paragraphes, puis dans des sections, dans chapitres, dans des parties…

A n’importe quel niveau de résolution avec laquelle on observe l’existence, on verra apparaitre cette structure. Mathématiquement cette structure peut être représenté par la figure de Mandelbrot : c’est à dire des figures fractales zoomable à l’infini.

Que l’on parle de particules, d’atomes, de cellule, d’humain ou de société, tous sont des monades (Spinoza), des holons (Ken Wilber). Ce sont des unités qui reflètent le tout.

« S’il est vrai que Tout est dans LE TOUT, il est également vrai que LE TOUT est dans Tout. »

« Ce qui est en Haut est comme ce qui est en Bas ; ce qui est en Bas est comme ce qui est en Haut. »

― LE KYBALION.

Le Sacré au-delà du dogme

Dieu est la structure de l’univers. C’est pour cela qu’il est dit que vous avez été créé selon son image (sa structure). Pécher contre Dieu signifie agir en incohérence avec les lois de l’univers. Celui qui saute dans le vide croyant pouvoir voler pêche contre les lois de la gravité. Les anciens ont personnifié Dieu car c’est en racontant des histoires que l’on fait sens de l’existence. On se raconte nos péripéties car il y a souvent une morale à communiquer.

Un idéal collectif et universel

Sous cet angle, la morale consiste à agir en cohérence avec la structure de l’univers.

La question fondamentale de l’existence n’est pas « de quoi le monde est fait ? » mais plutôt « comment agir ? ». Le domaine du « comment agir » (et du « pourquoi agir ») est de l’ordre de l’éthique plutôt que de l’ordre du scientifique. La plupart du temps, les questions éthiques sont mieux illustrées sous la forme d’un narratif.

Telles sont les buts des grands récits qui forment les civilisations. Ils sont des schémas comportementaux virtuels que nous pouvons intégrer à notre base de données. Lorsque vous lisez un livre ou regardez un film, vous vous identifiez immédiatement au protagoniste. Vous simulez scénario de vie possible à travers un avatar imaginaire. Vous pouvez incarner un héros (quelqu’un qui s’aligne avec la structure de l’univers) ou un anti-héros (quelqu’un qui défi la structure de l’univers).

Ces histoires et ces mythologies sont fondamentalement importantes car elles représentent l’effort collectif de l’humanité à tenter de défini l’ineffable, c’est-à-dire une idée absolue du bien et du mal. Le bien et le mal ne sont pas des catégories scientifiques fixes, mais des concepts évolutifs qui changent selon des paramètres variables. Voilà pourquoi ils sont indéfinissables en soi.

Le mythe du Héros

Maintenant que l’on sait pourquoi l’on raconte des histoires, est-ce que l’on peut trouver une morale commune à tous les grands narratifs culturels ? Ce travail a été réalisé par Carl Gustav Jung et Joseph Campbell. Ceux-ci ont découvert une structure narrative commune à toutes les mythologies (et aussi aux rêves).

La psyché collective contient une image (un archétype) du héros, mais aussi du anti-héros. Cette image a été construite sur des millions d’années d’évolution. Elle existe à un niveau préverbal et intuitif. Elle est un programme, un mode opératoire, qui optimise les chances de survie et d’adaptation aux différents environnements. Même les animaux sont dotés d’une « proto-moralité ». Cela est évident si l’on conçoit la morale comme une stratégie collaborative de survie, à long, moyen et court terme.

Le jeu de la vie

Jean Piaget, en étudiant le développement infantile, avait remarqué que les enfants pouvaient jouer à des jeux sans pouvoir en articuler précisément les règles. Un enfant bien sociabilisé va comprendre intuitivement les règles d’un jeu sans pouvoir s’en représenter une abstraction concrète.

Dans le grand jeu de la vie, nous avons tous une compréhension intuitive des règles infiniment complexes de l’existence. Nos tentatives d’articulation de ces règles (passage d’un savoir inconscient à la conscience) sont l’ensemble des productions narratives de l’humanité.

C’est seulement après avoir compilé des millions d’histoires que nous avons réussi à abstraire l’essence de celles-ci. Les histoires sont des abstractions de patterns comportementaux. Les religions (et autres récits fondateurs) sont des abstractions de ces histoires. La philosophie est une abstraction de la religion. La science est une abstraction de la philosophie.

Nos lois résultent aussi de ces abstractions et ne sont donc pas totalement arbitraires.

Comment gagner le jeu de la vie

Il y a-t-il vraiment besoin de décrire ce qu’est un héros ? Il est l’objet de toutes les séries, films, livres et autres médias que nous consommons. Il nous suffit de mimer ce que nous voyons à l’écran.

Agissez avec :

  • Courage
  • Compassion
  • Intégrité
  • Le sens du sacrifice
  • Discernement

Et l’existence vous récompensera d’une conscience tranquille. Poussez ces qualités à l’extrême et votre nom marquera l’histoire.

― Geoffroy

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Qui est Geoffroy Stec ?

Je suis designer et éditeur depuis 2018. J’aide les créatifs à monétiser leurs passions, et à construire des systèmes de rémunérations durables.


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