Le monde se divise en deux catégories.
Il y a d’un côté les forts, et de l’autre les faibles.
Dans chaque jeu, il y a un gagnant et un perdant…
Le pouvoir à toujours été élitiste, et il le sera toujours. C’est le fruit naturel de la compétition.
Certains considèrent cela injuste (parce que ce sont de mauvais perdant), et aimeraient mettre un terme au jeu.
Mais de quel jeu parle-t-on ?
Du jeu de la vie, de l’évolution, et de la civilisation.
Soit vous travaillez à mettre fin à l’existence, soit vous cherchez à devenir meilleur.
L’antifragilité
Un des livres les plus étranges que je n’ai jamais lu est The Varieties of Religious Experience, d’un psychologue nommé William James.
J’ai dû comprendre à peine 10% de ce qu’il voulait signifier, pourtant son effet était des plus psychédéliques.
(Par psychédélique, j’entends la capacité à complétement transformer votre modèle de perception, comme si vous entriez dans un nouveau monde, encore inexploré.)
Beaucoup pensent que la science est en conflit avec la religion, pourtant ce sont justement ceux qui sont formés à la méthodologie, et à l’esprit critique, qui arrivent le mieux à tirer du sens des anciennes doctrines.
Parmi ces dogmes, il a le concept de résurrection.
Pour les chrétiens, on dit d’un païen qui se convertit qu’il est « né de nouveau ».
James défini la différence entre ceux nés une fois, et ceux nés deux fois de cette façon :
- Les premiers sont des naïfs, qui croient en la bonté naturelle de Dieu en chaque chose (parce qu’ils n’ont pas encore rencontré le mal), et qui n’ont aucune capacité d’introspection. Ce sont ces personnes qui sont tellement gentils, qu’elles en deviennent molles, et presque apathiques, sans substances, béates…
- Les seconds, au contraire, sont ceux qui ont plongé dans la terreur et la morbidité, mais qui y ont survécu, et en sont ressortis plus grand.
Dans la plupart des mythologies, le héros doit subir des épreuves avant de devenir divin (comme le Christ, Hercule, ou Néo…).
En langage psychologique, être né de nouveau signifie avoir des symptômes de stress post-traumatique liés à la tragédie de la vie, sans se laisser engloutir par ces derniers.
La naïveté et l’inconscience avec laquelle nous arrivons tous au monde est une sorte d’état de grâce ; un jardin d’Eden, duquel nous tomberons tous tôt ou tard.
L’histoire de Bouddha est aussi celle d’une chute.
En quittant son palais paradisiaque, il se retrouve devant des réalités telles que la mort, la maladie, la violence, et la vieillesse.
Cette terreur traumatisante est un aspect de la vie qu’on ne peut nier indéfiniment.
Celui né de nouveau est une personne qui accepte la souffrance, et son fardeau existentiel, mais qui transforme cette force négative, en résilience inébranlable.
En quête de restauration
En réalité, vous savez toutes ces choses instinctivement, parce que ce sont des archétypes, qui s’incarnent de mille et une façon depuis des millénaires, à travers une multitude d’artéfacts culturels, et d’expressions de l’inconscient.
Toutes les histoires héroïques racontent le même processus, comme le pensait Joseph Campbell (cf. Le héros aux mille et un visage).
Il existe une part d’ombre dans ce monde, et elle est aussi présente dans le cœur des hommes.
Un des problèmes de la naïveté est qu’elle ne prépare pas à l’affrontement, ni à l’agression.
Quelqu’un de naïf a plus de chance de subir des troubles post-traumatiques ; et le fait de développer une philosophie du mal peut aider à les prévenir, et à les soigner.
Nier le mal, c’est le laisser prendre de l’ampleur, et lui permettre de nous surprendre.
Quand vous avez un problème, le fait de fermer les yeux dessus ne fait en général que l’empirer.
Il faut le prendre de face, car plus on attend plus il grossit.
Le courage, et la volonté, sont des traits de personnalité qui s’acquièrent comme les autres : par la pratique, et l’habitude.
Vous devenez ce que vous pratiquez. (Littéralement, c’est de cette façon que vous créez de nouveaux réseaux synaptiques.)
L’habitude de la médisance, de la lâcheté, et de l’impulsivité, crée des individus atrophiés.
L’habitude de la bonne volonté, du courage, et de la discipline, crée des individus réalisés.
Voici pourquoi l’article précédent traitait de l’implémentation de systèmes, et de routines.
Quand vous avez assez pratiqué un système, celui-ci devient une sous-personnalité qui devient de plus en plus facile à activer.
À chaque fois que vous arrivez à implémenter une routine, vous gagnez un peu plus de contrôle sur votre vie, et votre environnement.
Comme le héros mythologique, vous restaurez le cosmos, l’ordre, et l’harmonie des structures que vous habitez.
Ceci n’est possible qu’en affrontant les forces chaotiques, qui sont illustrées par Satan, Lucifer, le Grand Serpent, Léviathan, ou encore Voldemort, ou Sauron.
La psychologie du perdant
On dit qu’un dragon cache toujours un trésor.
Affronter l’inconnu est dangereux, pourtant c’est souvent dans celui-ci que se trouve ce que l’on désir.
« Quand on lutte contre des monstres, il faut prendre garde de ne pas devenir monstre soi-même. Si tu plonges longuement ton regard dans l’abîme, l’abîme finit par ancrer son regard en toi. »
— Friedrich Nietzsche
Ceux qui manquent de vitalité vous diront que la force est quelque chose de tyrannique.
Bien qu’elle puisse dégénérer, comme nous le verrons plus bas, elle est nécessaire à la survie.
Nietzsche est celui qui a le mieux détaillé la psychologie et la mentalité des perdants.
Ces derniers sont habités par des esprits de vengeance, et étant trop faible pour lutter honorablement, inversent les valeurs par la médisance, et le lynchage.
Devenir fort demande du courage, de la discipline et des sacrifices.
Mais le médisant s’épargne ce travail en se convainquant qu’il est la victime du fort.
S’il est misérablement médiocre, c’est la faute des autres, de la culture, de sa famille, de la religion, du patriarcat… où de n’importe quel autre bouc émissaire.
Lâche, il se cache dans l’ombre, et n’agit que par esprit de meute, seulement quand ses actions se fondent dans les mouvements de masse, ou l’anonymat.
De cette façon, il s’abstient de se tenir responsable, complaisant dans son inutilité parasitaire et orgueilleuse.
Il se garde d’accomplir quoi que ce soit de productif, car le succès risquerait de le propulser dans le camp des oppresseurs.
Son identité d’opprimé et de victime est bien trop confortable, puisqu’elle permet de justifier sa haine contre le fort, qui lui rappelle constamment, mais indirectement par effet de contraste, sa petitesse d’esprit, et sa philosophie morbide.
Vous croisez constamment ce genre de trolls sur internet, et ces jaloux qui passent leur temps à critiquer les autres pour pouvoir maintenir un semblant d’estime de soi.
Sachez que ces gens ne veulent pas d’aide, et que vous ne pouvez rien pour eux.
Ils sont damnés, et habitent sûrement déjà les couches les plus basses des enfers.
Laissez donc le temps, et la sélection naturelle s’occuper d’eux.
Isolément ils sont le plus souvent inoffensifs (bien que fourbes), il n’y a qu’en meute qu’ils sont capables de causer du souci.
Il est plus facile de s’en défendre quand on connait leur philosophie, leur psychologie, et leurs stratégies d’agressions.
« Sois proche de tes amis, et encore plus proche de tes ennemis. »
— Michael Corleone (Le Parrain 2)
Stratégiquement, il y a véritablement un intérêt à étudier les forces du mal.
Intégrer son ombre
Carl Gustav Jung pensait qu’aucun individu n’était réalisé tant qu’il n’avait pas intégré son ombre.
Il existe, en vous, une part animale capable d’une terrible agressivité.
Beaucoup de soldats qui reviennent de la guerre ne sont pas seulement bouleversés par la violence qu’ils voient.
Ils sont souvent encore plus choqués de voir les atrocités qu’ils sont eux-mêmes capables de commettre, et de leurs tendances sadiques.
Moins vous avez conscience de votre ombre, plus celle-ci s’incarnera dans votre vie de façon chaotique, destructrice, et imprévisible.
Elle est comme une bête à apprivoiser, qui à l’état sauvage cause beaucoup de dégâts ; mais qui dispose aussi d’une énergie qui peut être canalisée de façon constructive.
Ses pulsions doivent être sublimées.
Car réprimées elles deviennent pathologiques.
Et débridées elles deviennent criminelles.
Comment sublime-t-on donc son agressivité ?
Par le jeu, par l’art, et le travail.
Beaucoup confondent le fait d’être sans vitalité, avec la vertu (c’est l’essence de la morale du faible).
Ils se disent « mais moi je suis gentil », alors qu’en réalité ils sont justes faibles et sans substances. Ils sont gentils parce qu’ils n’ont pas le choix, mais en font tout de même un mérite.
Le fait d’être incapable de lutter, et d’agressivité, n’est pas une vertu ; bien qu’il soit facile de déguiser la chose comme telle.
Il n’y a pas vraiment de différence en le fait d’être respecté, et le fait d’être craint.
Vous n’êtes vertueux seulement quand vous choisissez de tenir bien en laisse vos démons, tout en sachant que vous pouvez les lâcher au besoin d’un simple geste.
De la vient la véritable autorité, qui est l’opposé totale de celui qui est juste sans défense.
Il existe nombre de situation dans votre vie où vous aurez besoin de votre ombre, de sa compétitivité, et de son agressivité.
Sans elle vous vous ferez marcher dessus au travail, dans votre couple, et dans la vie de tous les jours.
Et en cas de véritable crise, c’est elle qui vous apportera des ressources inespérées.
Si vous arrivez à l’intégrer à votre métier, ou à votre sport, alors c’est à ce moment que vous deviendrez ultra-compétitif et performant.
Le circuit anal-territorial
La force a deux côtés, et bien qu’indispensable à la survie, elle peut facilement dégénérer.
L’autorité peut être légitime quand elle est basée sur le mérite et la compétence, ou tyrannique quand elle basée sur la violence, et l’impulsivité.
À bord d’un avion par exemple, il est dans l’intérêt commun que ce soit le capitaine qui dirige (puisque c’est celui qui a le plus d’expérience).
Le narratif qui consiste à dire que toute forme de pouvoir est forcément tyrannique est une des stratégies du faible, qui cherche à transférer son humiliation sur le fort, par la culpabilité, et le lynchage. (C’est tout l’esprit du communisme, et des mentalités victimaires.)
Les plus grands tyrans ont toujours surfé sur cette vague, en sachant attiser la haine du faible pour le fort, et en manipulant les bas instincts des masses.
En réalité, le circuit neurologique (et ses neurotransmetteurs) qui opère les dynamiques de pouvoir, et de domination, est assez bien connu.
Celui-ci est régulé par la sérotonine, hormone qui sert, entre autres, à vous indiquer votre position dans une hiérarchie sociale.
Robert Anton Wilson, dans son modèle (que je détaille dans cet article) l’appelait le circuit anal-territorial.
« Anal » par référence aux travaux de Freud sur l’analité (et à sa fonction socio-symbolique).
Et « territorial » parce que toutes les luttes ont pour but l’acquisition de territoires et de ses ressources, qu’ils soient réels ou abstraits.
Ce circuit est imprégné au moment où l’enfant apprend la propreté, commence à se sociabiliser, et à canaliser ses pulsions.
Si l’empreinte est traumatisante, ou juste absente (souvent par cause d’isolation), il aura du mal à saisir les dynamiques des jeux (toutes les interactions sociales peuvent être considérées comme des jeux de réciprocité).
En fonction de cette dernière, il développera alors soit des tendances antisociales, violentes, et psychopathiques, soit une extrême timidité, parfois paralysante, ainsi qu’une soumission inconditionnelle et dangereuse à toute figure d’autorité.
Quelqu’un d’équilibré n’est ni un tyran, ni un soumis.
Il est au centre du cadrant psychologique, et sait s’ajuster en fonction des situations.
C’est un individu flexible, qui sait prendre les reines en cas de besoin, mais qui sait aussi se taire quand il manque d’expertise.
Il n’adoptera la stratégie du tyran seulement en cas de force majeur.
(Oui, il y a des situations où la seule façon d’arrêter un tyran, ou un agresseur, est par la violence et la brutalité.)
Conclusion
Il n’existe pas une solution valable pour tous les individus, et toutes les situations.
Le mécanisme qui régule l’agression est évolutionnaire, né par adaptation, et n’est ni bon ou mauvais en soi.
Observez votre personnalité, et voyez où vous vous trouvez sur le cadrant la plupart du temps.
Est-ce que vous êtes timide, que vous passez votre temps à vous excuser de votre existence, et que vous n’arrivez jamais à imposer votre volonté ?
Ou au contraire, êtes-vous un lourdaud, un bully, qui écrase tout le monde, et qui ne loupe jamais une occasion pour victimiser un plus faible ?
En fonction de la réponse, vous pouvez équilibrer votre personnalité en pratiquant l’inverse.
Si vous êtes tyrannique, essayez d’être gentil avec quelqu’un, et d’accepter parfois de vous laisser guider.
Si vous êtes timide, essayez d’aller « chercher la merde » (terme technique se référant à l’analité), et d’être un peu plus égoïste.
Votre personnalité n’est pas figée, et peut se transformer en un instant d’une situation à une autre. Exemple : devant votre patron, vous êtes en position de subordination, alors qu’avec vos enfants, le rôle s’inverse.
Dans la plupart des jeux, et des interactions sociales, ces dynamiques sont à l’œuvre, bien que la plupart du temps elles ne soient pas aussi flagrantes.
Si vous observez des chiens entre eux, vous verrez sous sa forme primitive ces tendances anal-territoriales.
(Apprendre à gérer un chien dominant et un tyran se fait de la même façon.)
L’autre outil qui peut aider le timide à développer son assertivité est le sport, et plus particulièrement les arts martiaux.
Quoi qu’il en soit, quand vous savez reconnaître ces dynamiques, il vous devient beaucoup plus facile de naviguer les environnements sociaux.
— Geoffroy