La crise occidentale est existentielle.
Les masses sont déconnectées de leur individualité. Coupées de la nature, intérieure, et extérieure.
Notre civilisation s’est dissociée de ses racines, et continue à scier la branche sur laquelle elle est assise.
Ce qui reste de la spiritualité est corrompu par le commercialisme.
Le bien-être est devenu une valeur marchande.
Le relativisme, et le nihilisme se sont emparés de la morale.
Plus rien n’est authentique, tout est superficiel.
Voici comme retrouver sa nature véritable.
La bonne volonté
Je dois l’avouer, j’ai consommé énormément de développement personnel adolescent (à en vomir).
Aujourd’hui, je pense que c’est un nid à platitudes simplistes, et un repère de narcissiques, et de névrotiques.
Mais il faut bien commencer quelque part.
Votre esprit évolue, et a besoin de nourriture adaptée à son niveau de développement. (Comme un enfant qui apprend à lire.)
« Je vous ai donné du lait, non de la nourriture solide, car vous ne pouviez pas la supporter ; et vous ne le pouvez pas même à présent, parce que vous êtes encore charnels. »
— 1 Corinthiens 3:2
Ceux qui critiquent les personnes qui fournissent des efforts pour s’améliorer eux-mêmes, leur vie, ou celles des autres, sont de la pire des espèces.
Ils souhaiteraient que tout le monde soient aussi médiocres qu’eux.
Ces esprits pervers prennent plaisir à voir les autres chuter, car cela les élève artificiellement.
La première étape pour s’améliorer, c’est d’abord de le vouloir.
Vous ne pouvez pas aider ceux qui refusent de changer.
L’ensemble de votre vie doit être articulé en fonction d’un idéal que vous cherchez à accomplir (comme je l’explique en détail ici).
De cette vision découle des objectifs.
Pour les réaliser, vous allez devoir diriger vos pensées, vos paroles et vos actions dans la même direction.
Une grande part de la mystique orientale a comme vocation d’entraîner le mental.
Et en effet, vous ne pouvez contrôler votre vie, si vous ne contrôlez par votre esprit.
Il s’agit d’un enjeu majeur, surtout dans une ère saturée d’informations et de distractions.
Choisir ses pensées
Pour reprendre le contrôle de son esprit, et de son attention, il faut d’abord filtrer les informations qui y rentrent.
Quelles idées laissez-vous habiter votre esprit ?
Sont-elles les vôtres, ou celles d’un autre ?
Vos croyances vous servent-elles positivement ?
Si non, c’est un problème.
Sont-elles belles, grandes et majestueuses, ou sont-elles petites, misérables et corrompues ?
Faites attention à l’information que vous consommez, car elle va structurer votre psyché.
Abreuvez-vous aux meilleures sources.
Analysez tout avec un esprit critique.
La spiritualité ne requière pas de croire.
Elle requière de la pratique.
Comme la science, elle est empirique et expériencielle.
(Seuls les tyrans demandent d’accepter aveuglément un dogme.)
« L’expérience personnelle est la fondation de la philosophie Bouddhiste.
— Daisetz Teitaro Suzuki
En ce sens, le Bouddhisme est une forme d’expérientialisme ou d’empirisme radical, peu importe la dialectique développée par la suite pour examiner la signification de l’illumination. »
Le yoga en occident est devenu une pâle copie de sa source originale.
C’est bien plus qu’une gymnastique douce pour personnes à la santé fragile. Ou une échappatoire à névrotiques, qui cherchent à fuir la pénibilité de l’instant présent, par la négation de la vie et de ses instincts.
C’est un art, et une science sacrée, qui demande d’être approchée avec la religiosité qui lui est due.
Raja Yoga
Traditionnellement, le yoga, tel qu’il nous a été légué par Patanjali, comporte huit étapes sensées mener à la maîtrise du corps et de l’esprit, et à l’illumination.
Ces pratiques doivent être régulières pour être effectives. Idéalement quotidiennes. (15 minutes par jour peuvent suffire.)
Elles requièrent la même discipline, patience et constance que le sport.
Sauf qu’au lieu d’entraîner votre corps physique, vous entraînez votre mental, votre âme, et vos corps subtils.
Comme tout dans la vie, le niveau d’effort et de rigueur que vous y mettez sera proportionnel aux résultats que vous obtiendrez.
Voici donc un résumé de ces huit étapes à suivre, en langage moderne :
Yama et Niyama
L’immoralité est le premier obstacle à Samadhi (huitième étape).
Votre esprit ne peut être en paix si vous êtes hanté par la culpabilité, ni si vous cédez constamment à vos pulsions égoïstes, agressives et antisociales.
Traditionnellement, Yama est un ensemble de codes de conduite éthique, plus ou moins stricts selon les courants.
Pour certains, cela ne peut inclure que les 10 commandements de Moïse. D’autres y rajouteront le végétarisme, et d’autres formes d’abstinences.
À chacun d’en juger selon sa sensibilité.
Votre conscience vous dicte en temps réel le bien et le mal par vos émotions. Et vous savez très bien quand vous péchez contre elle.
Un mensonge est toujours associé à une sensation déplaisante, par exemple. Un meurtre viendra vous hanter pendant des années.
L’intégrité est une qualité indispensable à qui veut contrôler ses pensées.
Dans la psychologie de Jung, l’ensemble de sa thérapeutique est basé sur un effort moral, qui mène à l’individuation, et à la réalisation de soi.
(La moralité joue un rôle important dans la santé mentale.)
Attention car poussé à son extrême, l’ascétisme, et la répression à outrance de pulsions naturelles peut aussi causer des problèmes.
Beaucoup confondent le conformisme avec l’éthique.
(Dans cette article je développe la différence entre la morale compulsive, et la morale naturelle.)
Niyama désigne plutôt l’attitude générale à développer.
L’autodiscipline, l’acceptation, l’étude du soi, l’observation neutre, l’introspection, et l’hygiène mentale et physique, sont les qualités nécessaires à l’exercice de la pratique spirituelle.
Toutes ces qualités constituent les bases indispensables des étapes suivantes.
Asana
La suite nécessite de pouvoir rester immobile pendant plusieurs minutes.
Asana signifie « posture » en sanskrite, et sert l’entrainement du corps.
Le terme désigne une position que vous pouvez maintenir à volonté.
Si votre posture est mauvaise, voutée, que vous êtes plein de tensions, d’inconforts, de douleurs, ou que vous êtes en mauvaise condition physique, alors vous allez avoir du mal à vous relaxer, et à pratiquer la suite.
« La position de méditation devrait être aisée et confortable. »
— Yoga Sutras II.46
Combien sont capables de rester assis les yeux fermés, sans bouger ?
La plupart du yoga, tel qu’il est pratiqué en occident, se résume au renforcement musculaire destiné à cette fin, et oublient le reste de la pratique.
Quand vous êtes totalement immobile, vos pensées ont également tendance à l’être.
Vous renforcez aussi le pouvoir qu’a votre volonté sur votre corps.
Le sport, l’alimentation, le sommeil, les étirements, les massages, l’hygiène de vie… vous aideront à être bien dans votre corps, et dans votre tête.
Avant de passer à la suite, il vous faudra choisir une position, que vous devrez garder.
N’importe laquelle peut faire l’affaire, tant qu’elle n’incite pas trop au sommeil, et qu’elle n’est pas trop inconfortable. (Assis, en tailleur, les mains sur les genoux, le dos droit par exemple.)
Essayez votre asana.
Sentez à quel point votre corps lutte contre votre volonté. Comment l’envie de bouger devient de plus en plus insupportable.
Voyez les douleurs, les engourdissements, et les fourmillements qui apparaissent.
Pratiquez l’immobilité tous les jours, chronométrez-vous, et notez toutes vos expériences.
Vous verrez vos progrès au fil de vos notes.
Pranayama
Pranayama est souvent traduit par « la maîtrise du souffle ».
Ce n’est pas exactement vrai, puisque prana désigne plutôt l’énergie vitale.
Cette dernière est liée au souffle, et est son premier moyen d’absorption.
Le yoga enseigne que vous pouvez vous entraîner à diriger prana, par la visualisation, la volonté, et la respiration.
J’ai décrit cette énergie, qui prend mille et un nom différents selon les cultures et les époques, déjà dans cet article.
Toutes les écoles de science occulte enseignent qu’il existe une énergie universelle, qui anime tous les êtres, et qui a des caractéristiques très proche de l’électromagnétisme.
Cette dernière est associée à la conscience, et circule dans votre corps par des réseaux subtiles et éthérés.
Ces réseaux s’encrassent, si vous n’en prenez pas soin.
Une grande part de ces pratiques servent à une sorte d’hygiène spirituelle.
De grandes respirations, lentes, rythmiques et profondes, ainsi que la visualisation du courant énergétique, sont les bases de pranayama.
La répétition d’un mantra peut également aider à focaliser l’esprit à la tâche, et à respecter des cycles réguliers.
La maîtrise de prana est la clé de beaucoup de systèmes occultes.
Beaucoup de légendes d’exploits surhumains, de guérisons spontanées, et de phénomènes parapsychologiques, lui sont attribué.
C’est le secret des fakirs, des yogis, des Shaolin, et des magnétiseurs.
Wim Hof a popularisé certaines de ces techniques, qui lui ont permis d’établir plusieurs records du monde de résistance au froid.
Si vous avez un doute sur la pratique, suivez simplement ses conseils :
“Yeah, breathe, motherfuckers! Don’t think, just do it! Get into the depth of your own lungs!”
— Wim Hof
Pratyahara
Toutes les étapes précédentes servent à stabiliser, et à entraîner la concentration. Elles concernent les actions du corps.
Ici, on s’attaque au mental.
Ahara signifie « la perception externe », et praty « à l’opposé ».
Pratyahara est donc la perception interne, et le contrôle des sens externes.
Pour qu’une introspection soit effective, il faut oublier ses sensations, et ses pensées.
Quand on commence à explorer les mondes intérieurs, on se rend compte que tout est constitué d’idées.
« L’univers est mental. »
— Le Kybalion
La tâche est donc d’inhiber les impressions extérieures parasites, et les pensées indésirables.
Lorsque vous y arrivez, vous commencez à véritablement maîtriser votre esprit, votre attention, et votre énergie.
C’est un art subtil et paradoxal, car la répression d’une idée ne fait que la renforcer.
C’est aussi une pratique qui demande un état d’alerte, et un degré de conscience élevé et constant.
Combien de fois par jour vous vous laissez embourber dans des monologues mentaux que vous n’avez pas choisis ?
Anecdote :
Aleister Crowley utilisait une méthode qui consistait à supprimer totalement un mot de son langage, et de son esprit.
À chaque fois qu’il se surprenait à enfreindre la règle, il se taillait le bras pour conditionner un réflexe négatif.
Vous n’êtes pas obligé de vous mutiliez, mais faite l’expérience : bannissez le mot « je » pendant une semaine. Voyez l’effet que cela a sur votre psyché.
Dharana et Dhyana
Après plusieurs mois de pratique, vous devriez être en meilleure santé physique et mentale.
Vos capacités de concentration se sont affinées, vous êtes plus présent, et plus conscient.
Maintenant, l’objectif va être de rediriger sa focalisation, et l’entièreté de son énergie psychique en un seul point.
Dharana consiste à maintenir son attention de façon ininterrompu sur un objet fixe.
Fermez les yeux, et imaginez un triangle équilatérale rouge.
Voyez comment il se déforme, se déplace, disparaît et réapparaît, alors que vous essayez de maintenir l’image dans votre esprit.
Comptez le nombre de fois où votre focalisation lâche l’objet.
Ceci est extrêmement difficile.
Des sensations vont venir couper la continuité. Vous allez penser au passé récent, ou au futur proche. Vous divaguerez dans des rêveries.
Et le comble, c’est que vous refaillirez aussi au moment même de votre succès, où vous vous dirait « ça y est j’ai réussi » (qui est aussi une coupure de l’attention).
Dharana est la porte vers Dhyana.
Quand votre concentration est totalement absorbé dans l’objet, vous fusionnez avec ce dernier.
La barrière entre le sujet et son point de focalisation disparaît.
L’ego est annihilé.
Anecdote :
Je pense avoir expérimenté cet état seulement deux fois, quelques secondes, en plusieurs années de pratique quotidienne et rigoureuses.
La sensation ressemble à celle du vertige, comme s’y vous tombiez à l’intérieur de vous-même vers l’infini.
Samadhi
Dharana, Dhyana et Samadhi sont trois étapes qui se suivent, d’un même processus méditatif.
Cet ultime accomplissement est la synergie avec le Tout.
Votre âme individuel (Atman) fusionne avec Dieu et l’âme du monde (Brahman).
Ici, ce n’est plus seulement la barrière entre le soi, et le monde qui est annihilée.
C’est plutôt l’ensemble des séparations qui s’évaporent, pour devenir le Tout en tout.
La nature ultime de l’univers est révélée.
L’illumination est atteinte.
Le langage est incapable de signifier justement une telle expérience.
Elle doit être vécue, pour être appréhendable.
Il s’agit de ce que la littérature psychologique nomme « expérience religieuse ». (James, Maslow, Leary…)
Conclusion
Pour résumer, l’illumination, selon la mystique orientale, s’atteint en huit étapes :
- Yama (l’intégrité morale),
- Niyama (l’attitude vertueuse),
- Asana (la posture, et l’immobilité),
- Praṇayama (la maîtrise de l’énergie vitale),
- Pratyahara (le contrôle des pensées, et l’introspection),
- Dharaṇa (la concentration interrompue),
- Dhyana (la fusion avec l’objet de concentration),
- Samadhi (l’union avec Dieu).
Les dernières sont les plus difficiles, et demandent à la fois de la rigueur et du lâcher-prise.
La maîtrise cet art demande beaucoup de temps et d’investissement, et est parfois inadapté à la vie moderne.
De plus, un des arguments de Dion Fortune est qu’il s’agit d’une spiritualité conçue plus pour les esprits orientaux, que pour les occidentaux (moi-même, j’ai plus d’affinité avec les systèmes kabbalistiques, qui résonnent mieux avec mes origines culturelles).
Même si vous n’atteignez pas la finalité de ce système, il reste un excellent moyen d’entraîner son esprit, et sa focalisation.
(Tout ce que vous entreprenez dans votre vie dépend de vos capacités de concentration.)
C’est également une formidable introduction à la pratique des sciences occultes.
Il n’y a rien à croire, ceci n’est pas un dogme.
En faisant diligemment certains exercices, certains résultats apparaissent.
À vous d’y donner la signification que vous voulez.
Construisez votre philosophie par votre propre expérience.
— Geoffroy
Appendice
La méditation est depuis longtemps validée par les neurosciences.
Pratiquez régulièrement pour en observer les bénéfices.
Voici un exercice simple, s’adressant aux débutants, qui ne sauraient pas par où commencer :
Exercice : Kaya Sthairyan
1. Préparation
- Choisir une position confortable.
- Respirer profondément et rythmiquement.
2. Visualisation du corps
- Se focaliser sur les sensations corporelles.
- Visualiser son corps extérieurement de tous les angles possibles.
- Scanner le corps avec sa conscience progressivement de la tête aux pieds.
3. Immobilité
- S’imaginer être un arbre, dont les racines s’ancrent dans le sol, vous offrant une stabilité, et une immobilité parfaite.
- Se résoudre à ne plus bouger, et se l’affirmer mentalement.
- Sentez la rigidité, comme si vous vous transformiez en pierre inébranlable.
4. Concentration
- Voyez la conscience du corps s’évanouir par cet immobilisme.
- Transférez votre concentration sur votre respiration, toujours lente et profonde.
- Voyez votre attention vaciller entre la conscience du corps, qui s’amenuit, et la conscience du souffle qui grandit.
- À force de focalisation sur la respiration, celle-ci aussi devrait progressivement s’évaporer.
Quand cette dernière s’éteint, il ne reste plus que la conscience pure.
Vous avez alors atteint Dharana.
Cultivez cette étape pour atteindre, Dhyana et Samadhi.
Sources :
Dharana Darshan – Swami Niranjanananda Saraswati.