La culture communique à chacun des fantasmes irréalistes sur les relations interpersonnelles.
La plupart grandissent en regardant des dessins animés, et des films, qui véhiculent des stéréotypes.
Il en est de même pour la musique, la publicité, et toutes les autres formes de médias.
L’exemple le plus flagrant est la conception de l’amour romantique dépeinte par Disney.
Combien de personnes sont désillusionnées lorsqu’elles se rendent compte que la fiction ne correspond pas du tout à leur expérience ?
Parfois, une bonne dose de réalisme permet d’éviter pas mal de déceptions, et de pièges.
Comprendre les mécanismes psychologiques suivants, permet d’être conscient des dynamiques sociales, et de s’y adapter convenablement.
Un animal intelligent
Vous êtes un primate domestiqué.
99% de vos gènes sont les mêmes que ceux du chimpanzé.
Vos comportements miment ceux des animaux.
La seule différence avec ces derniers, est que vous avez des capacités d’abstraction plus développées.
Vous êtes plus intelligent, et vous vous servez de vos représentations pour vivre dans une illusion sémantique.
Vous pensez. Et vous confondez la réalité avec vos pensées.
Du haut de votre QI à trois chiffres, vous croyez savoir maîtriser vos instincts archaïques.
Évolutionnairement, la capaciter à raisonner vient très tard dans l’histoire de la vie.
Votre système nerveux est doté d’autres circuits beaucoup plus anciens, et donc beaucoup plus ancrés.
La première chose à comprendre est que vous êtes habités par des forces qui vous dépassent, et que vous avez beaucoup moins de contrôle que ce que vous imaginez.
Vous vous êtes adaptés sur des millions d’années à des environnements incroyablement hostiles, et compétitifs.
Vos gènes dictent des patterns comportementaux qui vous dépassent.
Vous êtes la marionnette d’instincts qui servent principalement la réplication, et la survie de votre ADN.
Les sciences de la vie
Comprendre un phénomène permet d’atténuer ses effets.
« Tant que vous n’aurez pas rendu l’inconscient conscient, il dirigera votre vie et vous appellerez cela le destin. »
— Carl G. Jung
J’adore l’évolution et la biologie pour plusieurs raisons :
- Elles permettent de comprendre beaucoup de phénomènes psychologiques et sociologiques.
- Elles sont brutalement honnêtes et révélatrices.
- Elles articulent rationnellement, ce que l’on sait tous instinctivement.
- Elles donnent des conseils pratiques en termes de relations, et d’introspection.
- Elles sont neutres, empiriques, et libres de toute idéologie (en principe).
- Elles détruisent des dogmes, et pointent des contradictions logiques.
Il existe mille et une façon de voir le monde.
Une perspective n’est pas forcément plus vraie qu’une autre.
Mais elle peut être plus adaptée à une certaine situation.
Tout dépend de ce que vous cherchez à accomplir.
Il n’existe pas de monde objectif indépendant de la perception.
Vous interprétez tous les signaux de votre environnement en fonction de vos aspirations.
La première chose que nous enseigne les neurosciences est, que pour pouvoir percevoir le monde, vous avez besoin d’un système de valeur, qui permet de vous orienter.
Le premier instinct
Dans The Case Against Reality, Donald D. Hoffman explique qu’il est impossible que la nature nous ait doté d’un système de perception capable de cerner la réalité métaphysique.
J’ai écrit un livre (en cours de réédition), et plusieurs articles sur le fait que le concept de réalité objective était une fraude.
Il s’agit d’une conclusion venant de différents champs d’études indépendants, et souvent hermétiques.
Il existe en vous une idée du « bien » qui dicte toutes vos actions.
Cette idée est un mélange d’inné et d’acquis, qui filtre votre perception.
(Même chez les animaux, on trouve une forme de proto-moralité, qui peut se résumer par la réciprocité, et le bénéfice mutuel.)
Certains philosophes (comme Nietzche) avaient déjà découvert cela instinctivement.
Mais les neurosciences vinrent apporter de nouveaux arguments, avec la découverte du système dopaminergique.
La dopamine est l’hormone de la récompense.
Elle vous indique où vous vous situez en fonction de votre idéal.
Évolutionnairement, c’est un système qui guide l’exploration, et le reflexe d’expansion et de poursuite.
(Dans le modèle de Timothy Leary, il s’agit du premier circuit oral de survie biologique.)
Qu’est-ce que tout ceci peut bien signifier pour vous ?
Vous devez avoir un idéal, et travailler pour l’accomplir, si vous voulez vous sentir bien.
Pour être heureux, vous devez progresser vers un but.
Ceux qui n’ont pas d’objectifs comblent ce manque par des pratiques addictives, et la gratification instantanée.
J’explique dans cet article comment construire sa vision, et donne plus de détails sur ce circuit d’orientation.
Le deuxième instinct
La deuxième chose que nous enseigne la biologie est que les animaux sociaux s’organisent selon des hiérarchies de domination.
Il existe chez les primates un système qui traque à chaque instant votre statut social.
Votre position hiérarchique dans un groupe vous est signalée par vos taux de sérotonine.
Ce neurotransmetteur est responsable de ce que vous ressentez comme la pression sociale.
(Il est associé au deuxième circuit anal territorial dans le modèle de T. Leary.)
Si la dopamine sert à réguler vos comportements dans un environnement naturel, la sérotonine sert à réguler vos comportements dans un environnement culturel. (Bien que les deux soit interreliés.)
Dans tout groupe social, et dans toute interaction, il existe des dynamiques de domination et de soumission.
Elles peuvent être très subtiles, ou très directes.
Freud est un des premiers à avoir associé l’analité à l’agressivité, et aux luttes de pouvoir.
C’est parce qu’enfant, les premiers conflits politiques apparaissent lorsque ce dernier commence à apprendre la propreté.
Chez beaucoup de mammifères, les excréments servent à marquer leur territoire, et sont un enjeu de domination majeur.
Chez le primate domestiqué (vous) ce réflexe se retrouve aussi dans le langage.
Nombre d’expressions verbales agressives ont des références à l’analité :
- « Va te faire enculer »,
- « Merde »,
- « Fait chier »,
- « Ça me troue le cul »,
- « Je t’emmerde ».
Le gène égoïste
Ces deux premiers instincts, l’oralité et l’analité, sont des stratégies de survie et de réplication.
Ils ont été forgés sur des millions d’années par la sélection naturelle.
C’est grâce à eux que votre ligné d’ancêtre a survécu jusqu’à vous.
Sans eux, vous n’existerez pas.
Ils peuvent expliquer toute la violence qui existe dans le monde, à eux seuls.
Les primates se battent pour conquérir des territoires et des ressources, pour des positions hiérarchiques dominantes, et pour assurer la propagation de leur génome.
La nature humaine devient claire, lorsque l’on comprend que le système nerveux n’est que l’instrument dont se sert le gène pour se répliquer.
Le fait que vous soyez expert dans la rationalisation de vos instincts, ne change en rien le fait que vous êtes esclave de ces derniers.
Certains rétorqueront qu’il existe pourtant des exemples d’altruisme dans la nature, et que tout n’est pas compétition.
Encore une fois, l’altruisme et la générosité, sont aussi des stratégies de réplication génétique.
Mais ces derniers n’existent seulement quand il y a un lien de parenté.
(Vous ne verrez jamais un singe offrir une banane à un serpent.)
Les statistiques disent qu’un enfant a 100 fois plus de chance d’être tué par un beau parent qu’un parent biologique (Daly & Wilson).
L’évolution montre que le degré de bienveillance que l’on a pour quelqu’un est lié aux nombres de gènes en commun.
Ainsi, en aidant votre frère, votre enfant, ou votre cousin, vous aidez indirectement la transmission de vos gènes.
La sexualité
Le sexe et les relations homme-femme sont également soumises aux lois de l’évolution.
Les stratégies de séduction et d’accouplement ont été sélectionnées par des millions d’itérations dans le temps.
(Une stratégie n’est pas forcément consciente, c’est plutôt un pattern comportemental dicté par le génome.)
Il existe une différence fondamentale entre les deux sexes.
Une femme produit entre 400 et 500 ovules dans sa vie.
Un homme produit plusieurs millions de spermatozoïdes par jour.
Une femme peut avoir un grand maximum de 10 enfants jusqu’à la ménopause.
Un homme peut faire théoriquement plus d’un enfant par jour, jusqu’à la fin de sa vie.
Une femme risque la grossesse à chaque rapport sexuel, et risque sa vie à chaque accouchement. (Chose encore plus vraie avant l’invention de la médecine moderne, et de la contraception.)
Les hommes ont des tendances polygames, puisque l’accouplement ne représente qu’un faible investissement. (Ils sont peu sélectifs dans leurs partenaires.)
Les femmes ont, à l’inverse, des tendance hypergames. Elles sont beaucoup plus sélectives dans leurs choix de partenaire, et visent plutôt ceux en haut de la hiérarchie sociale.
Ceci s’explique par le lourd investissement que représente la procréation pour elles.
Dire que ces tendances existent ne veut pas dire qu’on les approuve.
Mais les ignorer totalement, et faire comme si elles n’existaient pas, ne règle pas le problème.
Cette asymétrie fondamentale entre les sexes, crée beaucoup de confusion dans la vie des couples qui ignorent ces dynamiques.
En être conscient peut éviter quelques surprises, et pas mal de souffrances inutiles.
La romance selon les médias
Les médias traditionnels font souvent semblant d’occulter ces faits.
La vision qu’ils promeuvent est en totale contraction ces derniers.
Il suffit de voir les conseils « mainstream » qu’ils véhiculent.
Rappelez-vous du film Hitch, expert en séduction.
Trouvez-vous cela romantique, ou même juste efficace, d’engager un espion qui va s’infiltrer dans la vie d’une femme, pour la manipuler à s’intéresser à un homme dont elle se fout ?
S’agit-il d’un synopsis d’une romance, ou d’un film d’horreur ?
Combien de films mettent en scène des soi-disant histoires d’amour, qui dépeignent plutôt la dépendance affective, et qui donnent d’horribles conseilles relationnels.
(Mention spéciale pour La Belle au bois dormant, qui enseigne aux jeunes garçons que c’est acceptable d’embrasser une inconnue dans son sommeil.)
Essayez d’appliquer le romantisme du cinéma et des médias dans votre vie, et vous passerez un moment pathétique et humiliant.
Allez donc rejoindre votre dulcinée (que vous ne connaissez même pas et à qui vous avez parlé trois fois dans votre vie), à l’autre bout du monde, en lui recitant un poème solennel en bas sa fenêtre, des chocolats dans une main, et un bouquet de rose dans l’autre.
La seule chose que vous connaîtrez sera l’embarra et le mépris.
Mais vous pourrez tout de même vous consoler en écoutant toutes ces chansons d’amour, qui parlent d’union impossible et de cœurs brisés.
La soumission à l’autorité
La plupart se pensent des personnes morales. (Ou pire, ils pensent qu’il n’existe pas de morale.)
Pourtant, de nombreuses expériences montrent que sous la pression sociale, ou dans des circonstances précises, 99% des individus sont capables des pires atrocités.
Parmi celles-ci, il y a celle de Milgram, qui montre que 65% de la population serait capable de tuer un innocent, suppliant de l’épargner, si une figure d’autorité lui ordonnait.
Une autre est celle de Stanford, qui semble indiquer des grosses tendances sadiques, et perverses, chez près d’un tier de la population.
Ces expériences étaient encadrées par une démarche scientifique.
La réalité est bien plus cauchemardesque dans les dictatures, et en temps de guerre.
Certaines personnes sont tellement naïves, et ont vécu dans un environnement tellement aseptisé de ces dangers, qu’ils ne croient même plus au mal.
Ils croient, comme Rousseau, que l’être humain est fondamentalement bon par nature, et que c’est la culture qu’il le corrompt.
C’est absolument faux.
L’homme est un prédateur par défaut, le plus dangereux qu’il n’ait jamais existé.
Conclusion
Certains rétorqueront que cette vision darwinienne est froide, pessimiste, et déshumanisante.
C’est le cas, si on la contraste avec l’imaginaire hollywoodien.
Beaucoup romantisent la nature.
Ils vivent en ville, proche de toute commodité, avec l’électricité, l’eau courante, et internet, mangent 3 fois par jour, mais pourtant prêchent un retour à des modes de vie archaïque.
La nature est par essence chaotique, et destructrice.
La philosophie « new age » est naïve quand elle dit que votre état naturel, c’est d’être heureux.
Votre état naturel est celui de la terreur. Paralysé par la peur de l’annihilation, et par une complexité submergeante.
Vous venez dans ce monde par la souffrance.
L’histoire n’est qu’une suite de tragédies plus atroces les unes que les autres.
Ce n’est pas la culture qui corrompt les hommes.
La pourriture était déjà préexistante.
En dehors de nos terres civilisées, règne le chaos, la mort et la destruction.
Mais il existe un espoir de s’affranchir de notre condition animale, et de ces éternels cycles de souffrance.
Je suis profondément optimiste, malgré le sombre tableau que je viens de dresser.
La lumière ne peut exister sans l’obscurité.
Tout n’existe que par contraste.
Notre potentiel à faire le mal, est aussi grand que notre potentiel à faire le bien.
La Bible dit que Dieu (la conscience) créa le monde par le Verbe (capacité d’abstraction), à partir du chaos primordial (environnement).
Vous avez la capacité de créer de l’ordre à partir du chaos.
C’est de cette façon que l’on défait les forces du mal.
Par l’art et la science.
— Geoffroy